Il y a presqu’un an…
Lundi, 27 novembre 2017, 7h40. Un accident majeur a lieu sur la route 138 à Saint-Tite-des-Caps. Trois véhicules impliqués, un décès.
Lundi, 27 novembre 2017, 11h10. Je reviens à la maison. Mon grand avait du Passe-Partout ce matin. Ma sœur est venue me donner un coup de main avec les enfants parce que mon mari est à l’extérieur du pays pour le travail. Je stationne l’auto dans la cour, la voiture de mon père y est. C’est étrange.
J’entre dans la maison. Mon père est à la table, la tête dans les mains. Ma sœur vient m’accueillir. Elle me dit qu’il y a un accident de voiture ce matin. Que mon autre sœur était impliquée. Tout va très vite dans ma tête. Où est-elle? Comment va-t-elle?
Elle me répond, sous le choc: «Elle est morte, c’est fini» et s’effondre dans mes bras.
Tout va trop vite. On a peu d’informations et encore moins d’explications. Papa a reçu un appel d’un policier de Beauport pour lui annoncer la nouvelle.
J’enlève le manteau et les bottes de mon grand qui me regarde et ne comprend rien à tout ce qui se passe. On met un film aux enfants pour les occuper. On se sert dans nos bras, on pleure…
J’ai besoin de réponses. J’ai besoin qu’on m’explique. Je cherche sur Internet. J’y trouve peu d’explications : un accident; trois véhicules; une route et un village dont j’ignorais l’existence. Cause inconnue. Puis, les photos sont sorties. Elles parlaient d’elles-mêmes. La violence de l’impact. Le choc.
On a reçu l’appel de sa belle-famille qui nous expliquait que l’on pouvait aller la voir une dernière fois. Je n’en ai pas eu le courage. C’était trop vite, trop tôt. Je n’en avais pas la force…
Comme j’étais seule avec les enfants pour encore plusieurs jours, la maison a commencé à ressembler à un moulin. Ma belle-famille, mes amies, des voisins, des amis de la famille se sont relayés pour me tenir compagnie, me réconforter, m’aider avec les petits, etc. J’ai reçu des pensées et des messages de beaucoup de gens qui tentaient de m’apporter du réconfort et un peu de douceur. Mais, j’étais perdue et je ne comprenais plus rien. Pourquoi elle? Pourquoi maintenant? La semaine a passé sans que je ne m’en rende trop compte. Ma tristesse, ma douleur, mon incompréhension meublaient mes journées. Dès que je pleure, mon grand se fâche et me dit d’arrêter parce que ça lui fait de la peine de me voir ainsi.
J’ai expliqué aux enfants qu’elle était partie. Qu’elle avait eu un accident et qu’elle avait de grosses blessures. Que ma sœur était morte. J’ai essayé avec «décédée», c’était plus doux pour moi, moins cruel peut-être. Mais ils ne me comprenaient pas, ils sont si petits encore. Je leur ai dis qu’on ne pourrait plus la voir, mais qu’elle était devenue une étoile. Qu’elle resterait toujours dans nos cœurs pour veiller sur nous. Ils me parlent d’elle chaque jour…
Il y a eu ses funérailles. Une magnifique célébration à sa couleur. J’y ai rencontré ses amis et tous ces gens qui l’avaient côtoyée et appréciée. Autant cette journée m’a rendue triste, autant ça a été un baume de la savoir si aimée et bien entourée…
Son absence
Le temps des Fêtes est arrivé. Un temps des Fêtes fade et sans réelle couleur. Où l’on fête par principe pour faire plaisir aux enfants. Un moment où son absence s’est fait tellement sentir. Son rire, sa joie de vivre nous manque. L’hiver a été long et pénible. Sans lumière et encore moins de chaleur.
Le temps passe alors que je vis dans ma tête. J’ai peur; je dors mal; je suis impatiente; j’évite les rencontres sociales; je refuse les invitations. Son absence me pèse. J’ai perdu le goût de tout…Je regarde souvent les photos d’elle, de nous, de notre enfance et je pleure. Je lui dis qu’elle me manque, que je l’aime chaque jour.
Le 27 de chaque mois, la journée est difficile. Remplie de peine et de tristesse. J’ai encore beaucoup de regrets, de culpabilité, de sentiment d’injustice…
Ont suivi son anniversaire, les conclusions du coroner, la mise en terre de ses cendres…Tant d’évènements qui me faisaient réaliser qu’elle ne reviendrait pas. Que je l’avais perdue pour de vrai et pour toujours…
On m’a dit de me laisser du temps…que le temps m’aiderait à faire mon deuil. Qu’il me permettrait de ne conserver que le beau et le doux. On m’a assuré qu’un jour, je ne pleurerais plus en pensant à elle. Qu’un jour, j’arriverai à sourire en me remémorant tous ces moments passés avec elle…
Je pense à elle dès le réveil en lui souhaitant une belle journée et en lui demandant de veiller sur mes tout-petits. Tout au long de la journée, elle m’accompagne, me guide. Je sais qu’elle est là. Le soir, avant de m’endormir, je lui souhaite «bonne nuit» et lui dis que je l’aime…
J’arrive à y croire un peu plus chaque jour…Doucement mon quotidien a repris de la couleur et de la douceur…Tranquillement, j’y arrive…
Mais où est passé l’empathie?
En partageant cet évènement avec vous, je souhaite vous faire part d’une réflexion qui chemine dans ma tête depuis ce fameux 27 novembre 2017.
Le jour-même de l’accident, les journaux et sites d’informations ont publié la nouvelle. J’ai lu les commentaires de tous ces gens qui avaient commenté sans même prendre le temps de lire l’article. De tous ceux qui avaient pris le temps de lire l’article, mais dont les commentaires étaient froids et sans aucune compassion. Ces gens qui jugeaient ma sœur et qui l’accusaient déjà d’avoir roulé trop vite ou d’être en train de «texter» alors que rien dans les articles ne le laissait croire. Je les ai haïs de la traiter ainsi et de croire qu’ils avaient le droit de porter des commentaires aussi méchants et haineux alors que ma petite sœur venait tout juste de mourir. Pourquoi faisaient-ils cela? Comment pouvaient-ils juger sans même la connaître? Pour un commentaire de condoléances et de compassion, il y avait au moins cinq fois plus de commentaires négatifs… Pourquoi?
Il faut dire que je lisais rarement les commentaires des gens par rapport aux nouvelles. Depuis cette journée, je les lis de temps en temps et je dois dire que les commentaires négatifs et méchants sont beaucoup plus présents que je l’imaginais.
Je ne veux pas lancer de débat sur les trolls ou sur la liberté d’expression. Ce n’est pas mon but. J’aimerais simplement qu’une prise de conscience se fasse. Lorsqu’une nouvelle sort et qu’elle porte sur un décès, sur un accident, sur une disparition d’enfants, etc.; est-il possible de montrer un peu d’empathie? Cette personne a de la famille, des amis, des gens qui l’aimaient…
Avant de publier un commentaire…
Si une des personnes qui ont commenté l’accident de ma sœur était venue aux funérailles, aurait-elle osé me dire : « Bon, encore une jeune qui devait texter au volant… »? Si la personne me croise sur la rue, osera-t-elle me lancer : « Elle devait sûrement rouler trop vite de toute façon! ». Je ne pense pas, alors pourquoi ce le permettre sur internet?
Si vous croisez les parents d’un adolescent en fugue, allez-vous lui dire que leur fils est probablement déjà mort? Ou que leur fille disparue est déjà recrutée pour se prostituer? Ben non! Personne ne fait ça en vrai! Il y a seulement en ligne que l’on se permet de dire des horreurs comme ça…
Un peu de positif, s’il-vous-plait…
Je suis peut-être trop positive et un peu naïve, mais je crois que chaque personne a un bon fond. Que si on s’y mettait tous pour vrai, on pourrait vraiment créer un village qui a de l’allure.
Je veux y croire. Je veux penser que l’humain a encore en lui un côté…humain! Que l’empathie, la compassion, la générosité peuvent encore être présentes en 2018 au quotidien et ce, même avec des étrangers. Même sur internet…
Faisons une différence. Cessons d’avoir peur de l’autre. Arrêtons de juger sans connaître. Soyons la douceur et la générosité… C’est peut-être utopique, mais je veux croire qu’il est encore possible de montrer à mes enfants que la vie est belle et que le monde est bon…
Y arriverons-nous? Pensez-vous que l’on puisse vraiment remettre la générosité et la compassion dans notre quotidien?
Apprenez-en plus sur Kloé, ma nouvelle collaboratrice, en lisant son entrevue, ici!