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Trisomie 21, les nouveaux sentiers de Geneviève Labrecque

Geneviève Labrecque - DG du RT21

Dans l’univers de la trisomie 21 au Québec, un regroupement fait sa marque. Quand j’ai eu mon fils, j’ai été référée à cet organisme par une maman vivant au Saguenay. C’est dire à quel point son rayonnement est grand. Comme tout organisme communautaire, il est chapeauté par un conseil d’administration formé de gens du public et de parents voulant s’impliquer. J’ai décidé d’aller à la rencontre de Geneviève Labrecque, directrice du Regroupement pour la Trisomie 21 et aussi maman d’Hubert.

Geneviève, si tu avais à te présenter en quelques mots, que dirais-tu?

Je suis directrice du Regroupement pour la trisomie 21. Je suis maman de 3 enfants et conjointe d’un papa de 2 enfants. Donc j’ai 5 enfants à temps partiel. Je dirais que je suis assez occupée.

J’ai Éloïse 16 ans, Hubert 14 ans, Florent 10 ans et mon conjoint a deux gars de 11 et 9 ans. On a 4 gars, 1 fille, dont 2 gars qui ont la trisomie 21, parce que mon conjoint aussi a un gars avec la trisomie 21.

J’ai tendance à être de bonne humeur, j’aime les choses agréables et j’aime être entourée de gens stimulants.

Que connaissais-tu de la trisomie 21 avant la naissance d’Hubert?

Quand je pensais à des personnes ayant la trisomie 21, je voyais [des gens] qui portaient des pantalons de jogging, qui avaient [tous] les mêmes lunettes, la même séparation de cheveux de côté et des souliers en velcro. Je savais qu’ils avaient une déficience intellectuelle, mais moi c’était l’apparence physique qui me restait en tête, parce que c’est ce que j’avais vu à la télé. Je ne connaissais personne avec la trisomie 21 [mais ça ne me faisait pas peur].

Je ne vois pas la trisomie 21 d’Hubert quand je vois Hubert. – Geneviève Labrecque, Directrice Générale du Regroupement pour la Trisomie 21

Comment son diagnostic t’a-t-il été annoncé?

Il n’y a jamais de bonne façon d’annoncer un diagnostic.

Hubert est né et ils sont partis avec lui. Le médecin est venu nous dire qu’il avait possiblement une pneumonie. On s’était entendu que si notre bébé avait des problèmes de santé, on le ferait traiter. On avait parlé de ça, mais pas du handicap.

J’étais au téléphone et une infirmière est rentrée et me faisait signe de raccrocher. Elle me dit : « Votre fils. On pense qu’il a une trisomie 21 ». Puis elle est partie. Le père d’Hubert était sous le choc. Elle est revenue et s’est excusée en pleurant.

[Après un long moment], un médecin est venu et a dit qu’ils suspectaient une trisomie 21. On a demandé à voir le bébé, il était en incubateur à cause de la pneumonie. En le voyant, j’ai pu voir les traits : yeux en amande, petit cou, etc.

Son père, lui, il a fallu qu’il attende le caryotype 2 jours plus tard pour accepter que c’était vraiment ça.

Plus tard [la journée de la naissance], la travailleuse sociale est arrivée avec la pochette du Regroupement pour la trisomie 21. Le soir au coucher, j’avais tout lu de A à Z, j’avais déjà été mis en contact avec un parent, j’avais été très proactive.

La travailleuse sociale nous a offert de laisser Hubert à l’hôpital, en adoption, ce qu’on a refusé.

Une infirmière m’a expliqué plus tard que la femme qui avait reçu un diagnostic avant moi avait quitté, en pleine nuit, en laissant son enfant à l’hôpital. C’est pour ça qu’ils ont commencé à offrir l’adoption à tous les parents par la suite.

L’arrivée d’Hubert, qu’est-ce que ça a changé à ta vision de la maternité?

Les premiers temps, je pensais que je n’avais plus de bonnes capacités parentales, que je n’arrivais pas à être une bonne maman parce que je n’avais pas appris à être une maman avec un enfant handicapé. Hubert a fait beaucoup de pneumonies avant qu’on se rende compte qu’il faisait de la dysphagie. Ça a été assez intense. On a failli le perdre une couple de fois.

Dysphagie: Une difficulté à avaler des aliments et des liquides s’appelle la dysphagie. Elle vient d’une faiblesse des muscles de votre gorge et de votre bouche que vous utilisez normalement pour déplacer les bouchées de nourritures et les gorgées de liquides. Elle peut aussi venir d’une perte de la sensibilité dans la bouche. La dysphagie vous expose à un risque d’étouffement ou au risque d’une introduction d’aliments dans les voies respiratoires (inhalation). L’inhalation cause parfois une pneumonie. La dysphagie vous expose également à un risque de malnutrition (consommation insuffisante d’aliments) et de déshydratation (consommation insuffisante de liquides). Source: Coeur et AVC

Ça a juste ralenti ma vie. Ça a mis fin à certains projets qu’on avait comme aller vivre un certain temps en Irlande. Il était trop malade pour ça. À part ça, ça nous a empêché de rien.

Je ne voulais pas terminer ma famille suite à la naissance d’Hubert. Ça a été un peu plus stressant [d’avoir un autre enfant], mais pas tant à cause de la trisomie 21. Surtout à cause de tout ce qu’il y avait autour. J’avais l’impression de connaître la trisomie, j’avais peur tout ce qui pouvait arriver d’autre à mon enfant.

Départ de la Course Trois, 2,1 GO! 2017

Les coureurs prennent le départ de l’édition 2017 de la Course Trois, 2, 1, GO! source de financement principal du RT21. – Crédit Photo Jean Martin

Qu’est-ce que le fait d’avoir des enfants avec la trisomie 21 change dans votre quotidien par rapport à une famille typique?

C’est un peu dur de savoir ce qui se passe dans les autres maisons. Chaque famille a ses défis. Au quotidien chez-nous, la trisomie ce n’est pas ce qui prime le plus, c’est plus le fait d’avoir 5 enfants (rires).

On adapte, dans le sens que ça va être plus long. On va avoir quelques rendez-vous, des rencontres à l’école pour des plans d’intervention.

Je pense que ça aide beaucoup mon fils d’avoir un gros réseau autour de lui pour avoir des modèles. Les 4 gars sont tissés serrés. Les enfants s’adapte beaucoup entre eux et avec les autres enfants du quartier. Ils peuvent jouer avec des enfants de tous âges en adaptant leur niveau de jeu que ce soit au hockey ou la PS4. On a beaucoup travaillé sur l’adaptation avec eux.

Je pense que la grande différence de notre famille, c’est que notre famille s’adapte beaucoup, qu’elle est très inclusive.

Quelle qualité d’Hubert apprécies-tu le plus?

Son écoute des autres, il est attentif aux autres. Il fait attention à ses amis. Il s’intéresse aux gens.

Il est très intellectuel, il aime apprendre, c’est le seul enfant que je connais qui aime les devoirs.

Il aime beaucoup les animaux aussi. Quand on va au Zoo de Granby, il va lire toutes les petites affiches. C’est quelqu’un qui est très curieux.

Je ne vois pas la trisomie 21 d’Hubert quand je vois Hubert.

Qu’a-t-il apporté de plus beau dans ta vie?

Chaque enfant apporte quelque chose, mais Hubert m’a amenée sur un chemin que je ne pensais pas aller. Je n’avais jamais pensé m’impliquer dans les organisations pour personnes handicapées, il m’a amené dans ce milieu-là. J’ai découvert un monde vraiment le fun, assez pour vouloir changer de carrière.

Il m’a amenée à me questionner sur toutes les définitions de performance.

Hubert m’a amenée sur un chemin que je ne pensais pas aller.

Je pense qu’il m’a appris à défendre les droits de mon fils et de sa famille. Quand c’était pour mes enfants, j’ai toujours été lionne, mais pour Hubert, j’ai poussé la note un peu plus. J’ai toujours été quelqu’un qui défendait les droits de tout le monde, mais avec Hubert c’est venu très fort.

Comment envisages-tu l’avenir d’Hubert?

Ça va être lui qui va décider. J’aurais beau faire tous les projets du monde, il y a de bonnes chances que ça ne marche pas, parce que ce n’est pas ma vie, c’est la sienne. Ce que je suis pas mal sûre qui va arriver c’est qu’Hubert ne sera jamais un petit garçon qui va rester tout seul dans un appartement. Il a besoin d’avoir du monde, de la vie autour de lui. Je trouve ça le fun de l’avoir avec moi, en ce moment, mais ça va être lui qui va décider de son avenir.

Il va suivre son parcours. S’il veut travailler, on va l’aider à se trouver un travail, selon ses capacités. Je pense qu’il y en a qui peuvent être bien intéressants.

Je dis ça pour Hubert, mais c’est la même chose pour mes trois enfants. Je vais les accompagner dans ce qu’ils veulent faire. J’ai appris à lâcher prise face l’avenir de mes enfants.

Alex Nevsky et Maxime Leflaguais

Maxime Leflaguais est porte parole officiel de la Course Trois,2,1 GO! et Alex Nevsky offrira une performance pour clore les activités le 25 aout 2018 au Parc Maisonneuve

Est-ce qu’il y a quelque chose que la maman d’aujourd’hui voudrait dire à la maman qui a reçu le diagnostic?

Que ça va bien aller. Je suis émue, c’est drôle hein? Que ça va bien aller, parce que… (silence)

Il y a eu une annonce à la télévision il y a quelques années où des gens apprennent une diagnostic de cancer et ils tombent sur le dos. Moi, c’est en plein ça que j’ai vécu quand Hubert est né. J’avais vraiment l’impression que ma vie s’effondrait. Sur le coup, je pensais que ça avait passé rapidement, mais ça a duré une bonne année où j’ai trouvé ça vraiment difficile. Où j’étais la femme forte qui soutenait tout le monde, parce que tout le monde autour de moi était effondré et que moi je ne [m’en] donnais pas la chance.

J’ai été super bien entourée par ma famille. La famille du père d’Hubert aussi a été super présente. J’ai pas pleuré avec mes parents, mais [je me suis donné la permission de] pleurer avec une tante. Sinon, j’ai été solide pendant un bon bout de temps.

Quand je me suis laissé la chance de m’effondrer, ça a fait du bien.

Quand j’ai appelé mon père pour lui dire que mon gars avait la trisomie 21, il est allé voir son boss, qui avait un fils qui avait la trisomie 21. Le soir, la conjointe du monsieur m’a appelée à l’hôpital et m’a dit : « Hey! Je suis là! »

Ils sont venus nous rencontrer à la maison 2 semaines après. Quand j’ai vu Martin entrer, il était habillé avec ses jeans troués avec sa casquette à l’envers, j’ai réalisé : « Ok, mon fils va avoir ses goûts, ses intérêts ». Ça m’a fait un bien fou d’avoir un modèle de petit bonhomme qui avait sa vie, qui savait où il s’en allait.

Toi? Est-ce que tu prends du temps pour toi?

Ça a été une gaffe pendant longtemps de m’occuper de tout le monde sauf de moi.

[Je profite des] petits plaisirs de la vie, prendre un livre sur mon balcon, m’effoirer dans mon bain pendant des heures et au moins 2-3 fois par année je m’installe à Sherbrooke avec ma chum de fille pis vous nous dérangez pas, on ferme tout pis on jase toute la soirée en mangeant des chips.

Je pense que n’importe quelle mère devrait prendre des moments pour elle. On a tendance à s’oublier.

Qu’est-ce que ça a eu comme impact sur ta vie personnelle et professionnelle la naissance d’un enfant avec un handicap?

Hubert a été diagnostiqué à 9 mois avec une dysphagie sévère aux liquides et aux solides. Petit, il faisait des pneumonies à répétition. Ça, ç’a été vraiment difficile.

J’ai trouvé ça plus difficile la dysphagie que la trisomie parce qu’il a fallu que j’adapte l’alimentation. À un moment donné, ils nous avaient même parlé de le gaver parce qu’Hubert avait tellement peur de manger parce qu’il s’étouffait qu’il avait décidé de ne plus manger.

J’ai été forcée d’arrêter de travailler parce que mon employeur ne m’a pas donné le choix de démissionner. En couple, on a décidé que je resterais à la maison pour faire de la stimulation et essayer de [l’aider pour sa dysphagie]. J’ai été sans emploi jusqu’à ce qu’Hubert entre en maternelle.

Mais je ne pouvais pas rester à la maison. On a pris la décision que j’allais m’impliquer ailleurs. C’est là que je suis entrée dans le conseil d’administration du Regroupement, dans le conseil de la garderie. Je me suis impliquée partout où je pouvais. C’était mes moments à moi où je pouvais faire autre chose.

Comment envisages-tu l’avenir d’Hubert? Ça va être lui qui va décider. – Geneviève Labrecque

Quand le RT21 est entré dans ta vie?

À la naissance avec la pochette. Puis 2 semaines après, j’appelais pour poser des questions. Puis vers 3 mois j’étais venue à une conférence sur la trisomie 21. Après ça, j’ai commencé à m’impliquer. Il y avait un comité Activité, où j’étais seule membre, avec l’intervenante communautaire. Quand Hubert a eu 2 ans, je suis embarquée sur le conseil d’administration et on a parti la Course Trois,2,1,GO! un beau projet qu’Annick Girard a débuté et j’ai suivi.

De fil en aiguille, tu es devenue directrice. Comment ça s’est passé?

J’avais fait quelques cours en gestion des ressources humaines [pour des projets que j’avais déjà]. Quand Hubert est né, j’ai aussi fait une formation en stimulation du langage, parce que je trouvais ça fascinant.

En m’impliquant au CA [du RT21], on a eu des défis. La direction, qui était là depuis 10 ans, a dû quitter en congé maladie. Il y a eu des intérims. Puis ils ont eu besoin d’une intervenante, où je me suis impliquée en promettant 6 mois. Ça a duré 5 ans. Puis la direction est partie [en 2014] et le conseil d’administration a suggéré que je postule. J’ai accepté.

Je rêve d’être heureuse. Pour le reste, je vais m’organiser, tant et aussi longtemps que je suis heureuse dans ce que je fais, avec les gens autour de moi.

Quel est ton plus grand rêve pour le RT21?

Je travaille avec une équipe vraiment trippante et on a des projets fous, complètement fous.

J’aime penser qu’on est capable de répondre aux besoins des familles, qui sont très nombreux. Depuis 2-3 ans, on fait beaucoup de sensibilisation, des beaux projets pour faire connaître la trisomie. Avec Célia, on fait de plus en plus de conférences, avec des personnes qui ont la trisomie 21. On les amène avec nous. On en a fait 3 cet automne à la bibliothèque. Sophie a créé une heure du conte où des personnes ayant la trisomie 21 lisent des contes aux enfants. On veut continuer la sensibilisation et en faire de plus en plus.

On est différents des autres organismes communautaires. On n’est subventionnés qu’à 30% de notre chiffre d’affaire, on doit donc faire beaucoup de levées de fonds. On n’a pas le choix d’être innovateurs dans notre approche, d’aller chercher les gens d’une autre façon. Pour les services et activités, on a des idées, comme le programme TASA, où on apprend aux jeunes à devenir autonomes avec un IPad, personne d’autre fait ça.

J’aimerais assurer la sécurité financière [du RT21], sans perdre d’autonomie.

Et si je te laissais le mot de la fin?

De croire au potentiel de toutes les personnes, quels que soient leurs défis ou leurs capacités. Ils vont tout le temps nous surprendre. Leur laisser la chance de s’extérioriser. C’est pas parce qu’ils ont une trisomie 21 qu’ils sont tous pareils. Je veux que les personnes puissent s’auto-déterminer, qu’ils puissent avoir la chance de prendre leur place.

Merci beaucoup!

La Course Trois, 2, 1, GO! a lieu le 25 aout prochain au parc Maisonneuve à Montréal. Les inscriptions sont possibles en ligne et sur place, tant pour le 10, le 5, le 2.5 et le 1km. Les activités commencent à compter de 9h et se poursuivent tout l’avant-midi, pour se conclure avec une performance d’Alex Nevsky et un pique-nique sur place.


Cette année encore, c’est Maxime Leflaguais qui est porte-parole officiel.

C’est un événement convivial qui permet de faire rayonner la trisomie 21. C’est une magnifique opportunité de contribuer au financement des activités que le Regroupement pour la Trisomie 21 organise pour les familles tout au long de l’année.

Karine d’Atypiquementparfaite.com

Collaboratrice pour Mamanbooh

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