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Mois de l’autisme: La famille d’Anissa Laaroussi

Nous sommes une famille de 3. Un peu explorateurs dans l’âme, nous aimons beaucoup partir à l’aventure sur les routes du pays. Nous faisons l’éducation en famille, ce qui nous laisse une grande flexibilité dans notre vie. Ceci est essentiel pour nous puisque notre fille de 8 ans a un diagnostic d’autisme et de maladie cœliaque (intolérance au gluten). Cela nous demande des adaptations constantes.

Pour nous, avoir la liberté de pouvoir jongler avec les divers besoins des membres de la famille est un atout pour trouver l’équilibre dans notre quotidien. Papa travaille à temps plein et maman, diplômée en enseignement, est à la maison pour s’occuper de l’école. Nous jonglons entre les besoins alternatifs de notre fille afin de lui offrir une éducation sur mesure.

Quel âge a votre enfant et à quel âge avez-vous appris qu’il était autiste ?

Notre fille a 8 ans. Elle a reçu son diagnostic d’autisme à 5 ans dans une clinique privée. Suite à une requête au public et à une discussion avec une intervenante qui jugeait que la situation méritait d’aller en évaluation, nous nous sommes tournés vers le privé pour accélérer le processus.

Qu’est-ce qui vous a mis la puce à l’oreille que votre enfant était différent ?

Depuis qu’elle était toute petite, nous avions remarqué plusieurs traits que j’avais d’abord associés à de l’hypersensibilité. Déjà, elle est née prématurément à 34 semaines et a rapidement eu des problèmes digestifs.

Nous avons travaillé avec plusieurs professionnels lors de sa petite enfance, ergothérapeutes, psychoéducateurs, orthophoniste, ostéopathie et divers autres professionnels de la santé. Les questionnements se soulevaient sans qu’on n’aille jamais au fond de la question sur l’autisme.

C. ne fréquentant pas de milieu de garde, cela venait défaire les pronostics habituels. Le rythme de vie plus ralentit, avec moins de surstimulation venait atténuer certains signes et brouillait les cartes. Ses comportements sortaient de l’habituel, elle avait un retard de langage et énormément d’hypersensibilités.

Étant moi-même enseignante et éducatrice, j’avais la puce à l’oreille concernant l’autisme. J’avais au moins la certitude que ces besoins intenses découlaient d’une sensibilité sensorielle quelconque. Au niveau de l’alimentation aussi c’était difficile. Nous avons d’ailleurs su vers ses 2 ans qu’elle avait la maladie cœliaque, une intolérance au gluten. Cela a donc été une bonne période d’adaptation puisqu’il fallait adapter le régime sans gluten tout en tenant compte des hypersensibilités buccales. C’est encore le cas aujourd’hui, mais déjà elle apprécie de découvrir de nouveaux aliments qui entrent dans son cadre d’hypersensibilité !

Elle avait aussi beaucoup de rigidités.

Un jour, j’ai soulevé la piste de l’autisme à l’orthophoniste qui a d’abord été surprise puis s’est mise à faire des associations entre ses notes et mes questionnements. À force d’observations, elle m’a rappelé et m’a dit que oui, ce « petit quelque chose » qu’elle remarquait chez ma fille pouvait en effet être des pistes vers l’autisme. Il faut dit que C. nous démontre beaucoup d’affection, elle a de l’empathie envers nous, elle nous sourit, nous prend le visage entre les mains et nous regarde dans les yeux, elle nous parle et cherche une relation, qu’elle arrive à établir. Alors tout cela ne cadrait pas avec le portrait qu’on entendait parler de l’enfant autiste.

D’un autre côté, elle démontrait plusieurs signes. À force de m’informer et de lire plus sur le sujet, je voyais bien que des petites habitudes que nous trouvions mignonnes étaient en fait des signes. Par exemple l’écholalie et les jeux répétitifs « dans sa bulle ». Le mutisme sélectif, le refus de saluer les proches, la panique quand les gens rentraient dans notre maison. Beaucoup de signes étaient présents.

Aux alentours de ses 4 ans, les comportements sont devenus plus difficiles à expliquer par seulement de l’hypersensibilité. Lors des sorties en groupe d’enfants elle avait des comportements atypiques, elle surchargeait rapidement et terminait en crise. Les conseils que je lisais ou recevait ne fonctionnaient pas. Nous vivions de nombreuses crises pour tout et n’importe quoi. Une vraie boîte à surprise. Des crises qui pouvaient durer 1 h parce que le chat était passé trop près d’elle. Nous en avions parlé à sa médecin de famille, le TDAH ayant été écarté, la pédiatre a fait la requête pour un diagnostic de TSA au public. Suite à la discussion pour enclencher le dossier, on m’a confirmé que c’était bien une situation à faire évaluer que l’attente pouvait être longue.

Un jour, une amie m’a dit avoir lu un article sur l’autisme qui lui faisait énormément penser à ma fille, un enfant qui démontre à la fois les signes d’autismes tout en recherchant le contact avec les personnes significatives. J’ai retrouvé l’article en question et j’ai appelé cette psychoéducatrice. Après une discussion au téléphone elle m’a elle aussi confirmé que notre situation méritait un diagnostic. C’est ainsi que nous avons enclenché les démarches au privé pour une évaluation complète, j’avais besoin de vivre le processus sans être dans l’attente durant de longues semaines à chaque étape.

Comment avez-vous réagi lorsque le diagnostic est tombé ? Et votre conjoint ?

Premièrement un soulagement. Réaliser qu’on était sur la bonne piste et qu’on n’a pas fait toutes ces démarches pour rien. Suivi d’un amour profond envers notre fille, comme si on nous ouvrait la porte à avoir le droit de l’accompagner et de l’aimer complètement telle qu’elle est. Ne plus être entre deux mondes, ce qu’elle est et ce qu’elle devrait être socialement. Évidemment, nous étions naturellement portés à l’accueillir profondément dans tout ce qu’elle est, mais socialement, lorsque les défis s’accumulent on se demande toujours ce qu’on peut faire de plus, de mieux.

Ce serait maintenant la même chose, mais en la protégeant et en l’accompagnant, en respectant ses limites et ses besoins tout en l’encourageant à se surpasser. Ça venait nous donner un second souffle pour prendre les défis du quotidien. Nous donner le droit de reconnaître sa détresse lors des crises. Pour nous deux, c’était une bonne nouvelle.

Le défi qui nous attendait a été de l’annoncer à la famille. Bien que nos familles étaient respectueuses et ouvertes, nous avons senti une résistance face au diagnostic. Nous avons redressé nos manches et pris le temps d’informer les gens autour de nous, de ce que ça impliquait. Que ça ne changeait rien, qu’on n’avait qu’un mot pour expliquer ce qu’on a connu d’elle depuis 5 ans, que maintenant justement nous serions en mesure d’agir en connaissant la situation et que nous aurions plus d’outils pour cela.

Rapidement, tout le monde a vu le positif derrière le diagnostic. Cela a permis d’ajuster les attentes envers ses comportements, sortir du jugement. Ils ont accepté et apprécié cette réalité de vivre avec une petite boîte à surprises. C’est là que la complicité s’est installée entre les divers membres de la famille et elle.

Pouvoir assumer pleinement une situation c’est le plus beau cadeau qu’on ait pu lui faire. Ne plus être gêné ou avoir honte de gérer une crise en public. Nous enlever cette pression d’avoir l’air de mauvais parents parce que notre enfant est en détresse et réagit d’une façon inhabituelle en public. Nous n’utilisons pas le diagnostic pour justifier une situation. Au contraire, on assume notre différence en gérant une situation dans notre bulle et juste ça, ça change tout.

Il y a aussi eu à certains moments suite au diagnostic, de la peur, de la douleur, des craintes. On s’est parfois sentis démunis face à sa souffrance dans certaines situations. Ça nous force à sortir de notre zone de confort régulièrement, à nous remettre en question et à prendre des décisions atypiques dans le but de nous adapter à sa réalité et à ses limites.

Il faut dire que dans les dernières années l’autisme a été beaucoup mieux expliqué en société. Comprendre et nommer les choses telles qu’elles sont, ça aide à l’ouverture. Les gens ont peur de l’inconnu. En connaissant l’autisme dans son large spectre, ça donne à la société un regard plus doux envers les gens autistes.

Décrivez les défis de votre enfant.

J’en ai nommé plusieurs plus haut, mais pour résumer, chez nous il y a une très grande hypersensibilité sensorielle, le contact des vêtements, l’habillement, les contacts physiques surprise (bisous, câlins), les salutations, les attentes des gens qu’elle va rencontrer, les demandes de contacts réciproques (lui adresser la parole alors qu’elle n’est pas disponible), les bruits forts (autant ils peuvent être appréciés sur une courte période, autant ils contribuent à la surcharge), être en contact avec ses allergènes, ce sont toutes des situations susceptibles de faire exploser le compteur.

Maintenant, à 8 ans, elle arrive à gérer une certaine quantité de stimuli, mais ça peut exploser à n’importe quel moment si je ne suis pas attentive à faire baisser la pression entre les situations « agressantes ». Son papa aussi est attentif à cela. Ça peut arriver plus vite qu’on le pense et nous surprendre ! Depuis qu’elle est petite, on lui apprend à se respecter, respecter ses limites et essayer de verbaliser cela.

Ç’a été un long travail, toujours en processus, mais aujourd’hui elle ouvre elle-même les discussions sur les situations qui la font sentir mal. On peut en discuter et anticiper les situations qui l’inquiètent, ainsi on se fait des plans de match. Je la rassure sur ses capacités à s’autogérer, en lui rappelant que je suis près si elle a besoin que j’intervienne.

Les imprévus sont notre talon d’Achille. Car c’est à ce moment-là que le « plan » se brise et qu’elle perd les repères qu’elle s’est imaginés pour se sécuriser. Il faut donc toujours être prêt à accompagner une crise et changer les plans même quand tout semblait être bien organisé ! Le défi c’est qu’on a quand même des personnalités spontanées, elle inclut. Ce désir de challenge et de liberté qui permet de concrétiser un projet sur le vif.

C’est d’apprendre à doser quand c’est le bon moment et quand ça ne l’est pas. J’ajouterais aussi le rythme du quotidien qui peut rapidement être surchargé pour elle, on apprend à anticiper selon les évènements qui nous attendent d’une semaine à l’autre. De ce côté, l’école à la maison vient énormément nous aider à nous adapter à ses besoins.

Quelles sont les plus grandes forces de votre enfant autiste ?

Sa sensibilité, sa capacité à reconnaître ses besoins et les nommer, ses fibres artistiques et motrices qui sont un exutoire aux surcharges. Sa détermination ; autant cela a pu être éprouvant en situation de crise, autant c’est la clé qui lui donne accès à se dépasser et atteindre les objectifs qu’elle se fixe. Elle a un désir à agir de façon autodidacte pour se perfectionner dans certains domaines et force est de constater qu’elle réussit.

Elle a aussi une grande connaissance d’elle-même, elle connaît son diagnostic, pour elle ça fait partie d’elle, ce n’est pas un handicap. Elle sait qu’elle est différente et elle s’assume. Elle est drôle dans sa spontanéité et arrive à créer une complicité avec les gens avec lesquels elle connecte. Elle ressent beaucoup de choses et s’y fie pour prendre des décisions. Elle a ainsi des amis et est épanouie dans sa vie. Je la sens sereine malgré tous les défis, les angoisses, les limites, parce que je sens qu’elle a confiance en elle-même et en nous pour l’accompagner. Elle se sent aimée et bien entourée.

Quels sont vos plus grands défis comme parent d’enfant différent ?

Être prêt à s’adapter en tout temps. Ceci prend du temps et une disponibilité. Je n’ai pas une grosse bulle ni de grands besoins à aller m’épanouir en dehors de la maison, mes passe-temps se font surtout de la maison ou aux alentours. Alors je suis déjà très disponible en tout temps. Le défi c’est quand notre réservoir de parent est vide et que là survient une situation qui demande à se surpasser pour intervenir adéquatement. Les bonnes interventions découlent rarement d’un réservoir parental vide !!

Apprendre à le reconnaître pour informer l’autre parent avant qu’il ne soit trop tard, pour que celui-ci prenne le relais de façon bienveillante. Avec les années, je dirais qu’on est devenu bon pour reconnaître quand l’autre atteint ses limites. Parfois, la solution est juste là et l’autre parent arrive avec les bons mots et bons gestes pour détendre le tout.

Ce qui est à la fois un grand défi est aussi une grande force : faire équipe en famille. Ça nécessite d’être constamment en réajustement, mais ça vaut la peine. Nos enfants ont besoin de nous et nous aussi avons besoin de prendre soin de nous.

L’autre volet de l’adaptation c’est aussi d’accepter de déroger du plan initial, il faut faire preuve de flexibilité et de compréhension pour modifier les objectifs en gardant en tête que même si on change le plan, on va atteindre l’objectif, ce sera seulement différent.

Il faut éviter qu’on arrive tous les batteries à zéro. On doit rester attentifs à cet équilibre fragile, de prendre soin de nous au quotidien.

Quelles sont vos plus grandes craintes pour le futur ?

Actuellement, je n’en ai pas. J’ai confiance qu’elle va se débrouiller. Autonome ou non, nous serons toujours là pour elle. Elle a un entourage extraordinaire qui veillera sur elle en grandissant, mais surtout j’ai confiance en elle. Elle nous démontre chaque jour à quel point sa détermination peut la mener loin, elle va y arriver.

En 3 ans, elle a fait des progrès surprenants sur plusieurs sphères. Je pense que c’est cela qui m’a rassurée. Elle a su utiliser les outils autour d’elle pour se dépasser. Malgré les inconforts, les défis, les crises, les paniques, l’autojugement. Ce qui en ressort c’est qu’elle s’est dépassée pour atteindre les objectifs qu’elle se fixe elle-même, sans limites extérieures, tout en respectant ses propres limites.

À 5 ans son diagnostic était accompagné de mutisme sélectif, c’est-à-dire qu’elle pouvait côtoyer des gens sans jamais leur adresser la parole, ni de réponse gestuelle à leur égard. À 7 et 8 ans, elle a fait du porte-à-porte avec son groupe scout, elle adressait la parole à des inconnus, le tout de façon agréable et courtoise. Elle a appris à exprimer ses besoins et ses ressentis à temps pour se préparer à de telles situations.

Tout n’est pas parfait, des défis elle va en rencontrer encore et encore. Je pense que j’ai seulement confiance en elle et en nos capacités à l’accompagner dans les différentes étapes qui nous attendent.

Je dirais qu’une de mes plus grandes craintes ça été de ne moi-même pas pouvoir toujours être là. Ça me rassure qu’elle grandisse avec cette confiance en elle qui lui permet de nommer ses besoins. Jusqu’à dernièrement, je me sentais comme la boîte à Pandor de tous les secrets qui gravitent autour d’elle, toutes les solutions, l’instinct, les détails, les subtilités qui peuvent faire d’un échec une réussite. J’avais peur de ne plus être là pour l’accompagner. En grandissant, le fait qu’elle se connaisse aussi bien me rassure, c’est comme si elle s’appropriait sa petite boîte à Pandor en la remplissant de tous les petits outils qui la concernent.

Comment qualifiez-vous votre parcours et à quel niveau cette réalité vous a-t-elle fait grandir ?

Je savais que devenir parent transformait une vie. On est rentrés dedans à pieds joints par la prématurité. C’est à ce moment qu’on a compris que chaque épreuve allait amener son lot de positif et qu’on allait surfer sur les vagues du mieux qu’on le pouvait. On a vraiment eu à s’adapter dès le jour 1. On a compris qu’on devait être une équipe et qu’on allait se tenir. Je pense que c’est le message le plus important de la parentalité qui s’est concrétisé, être une équipe, travailler ensemble, se soutenir. Apprendre à accepter qu’on puisse être faible sans que tout s’écroule tant qu’on tient le cap en équipe. C. a été C. depuis le début, ce qu’on connaît de la parentalité, c’est s’occuper d’un enfant à grands besoins. L’autisme fait partie de notre réalité et c’est la seule expérience qu’on a en tant que parents.

Je dirais que c’est la plus grande et belle aventure de ma vie.

On fait l’école à la maison à notre fille, on me demande si je lui enseigne. J’aime mieux dire que chaque jour on apprend ensemble. Je lui fais découvrir des choses, elle m’en fait découvrir même lorsqu’elle ne le sait pas et elle en découvre avec d’autres gens de notre entourage. Je me sens choyée d’avoir l’opportunité de partager mon quotidien avec une enfant comme elle, car justement, elle me fait grandir et me force à l’introspection.

Je qualifierais notre parcours de : coloré.

Avez-vous trouvé du soutien quelque part ? Si oui, où ?

Beaucoup auprès des mères qui vivent similaires. Donc par les réseaux sociaux, on retrouve des parents qui ont des réalités qui se rapprochent de la nôtre. J’ai aussi eu de l’information sur SACCADE, qui m’a apaisé en confirmant mes instincts sur la façon d’accompagner un enfant autiste. Nous avons des amis proches qui ont aussi un enfant autiste. Être entouré de gens qui comprennent sans jugement, c’est précieux,

Quel serait le message d’espoir à un parent qui est en processus d’obtenir un diagnostic ?

Je dirais de retenir que c’est un défi, mais qu’une fois la tempête de l’acceptation passée, c’est magnifique. Un jour, ma fille m’a demandé « Est-ce que tu aurais voulu que je sois différente ? » je n’ai même pas hésité, c’était une évidence : « Non ! Je voulais que tu sois comme ça (authentique), tu es parfaite comme tu es. » Ça l’a émue, elle a senti à ce moment toute la profondeur de mon amour pour elle.

Elle m’a redemandé plusieurs mois plus tard « Est-ce que tu aurais aimé que je ne sois pas autiste ? » et ma réponse était toujours la même « Non ! Je t’aime comme tu es, si tu n’étais pas autiste, tu ne serais pas comme ça. Tu ne serais pas tout ce que tu es aujourd’hui. » Je l’aime avec toutes ses couleurs, parce que la vie est parsemée de défis et tant qu’à en traverser, aussi bien les vivre avec des êtres colorés.

L’autisme est un large spectre, il y a des degrés de défis qui peuvent nous affecter plus que d’autres. Il est important de se respecter dans tout cela. J’ai cette facilité à voir le beau qui entoure certains défis, ça ne veut pas dire que tout le monde doit le vivre de cette façon. Mais je peux affirmer qu’avec de l’amour tout est possible.

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