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Autisme, la couleur de Lou #30couleurs

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Autisme, la couleur de Lou #30couleurs Julie Philippon Mamanbooh
Marie-Paule, maman de Lou


Les couleurs de l’autisme est une initiative pour faire connaître et briller les différentes couleurs, toutes uniques, de l’autisme, pendant le mois d’avril. Voici la couleur de Lou, le fils de Marie-Paule Germain.

 Allo
humain.e, concitoyen.ne planétaire
[1],
J’ai
10 ans et 1/2, la demie est importante, pour moi. En fait, je peux te dire que
j’ai 10 ans, huit mois, deux jours, seize heures et quinze minutes de vie, et
quelques secondes. Je veux te dire qu’hier soir maman m’a chanté pour la 4318e
fois et quart, Bonne
nuit mon Trésor
. Et
quart
, tu te questionnes hein?
Tu te questionnes plus sur le et quart que sur le nombre hein (des fois
maman doit la rechanter, si elle se trompe)? Le et quart…c’est que imagine toi, le soir
avant de me coucher, j’ai besoin de connaitre les détails de la journée d’après
(ok, ok! Il y a un planificateur mensuel, un hebdomadaire et un quotidien chez
moi. Si, si! Mais, moi, c’est ce dont j’ai besoin, moi! Tu l’entends bien mon
«moi»?!); donc, il y a eu un et quart! J’ai figé. Perdu mes mots. Paniqué.
Je ne comprenais pas maman!
 

À
toi qui me lis

Tu
sais toi qui me lis, l’autisme vient rarement seul. Moi, j’ai eu le gros lot, la t-o-t-a-l-e! Le gros
lot accompagné de plusieurs commotions conséquentes de ma dyspraxie. Hypotonie. Hyperlaxie. Des post-commotions non remises (à
ce jour, le à ce jour est
très important! lorsque l’espoir nous quitte, il reste l’espérance!), qui ont
exacerbé mes différences. S’est invité un trouble du langage acquis. Ce sont
invités beaucoup de choses. Des absences. Des chutes. S’invitent encore des
trucs. Une hypothèse. Émise par mon équipe médicale qui a laissé maman le coeur
serré. Inquiète. Pour la première fois. Tout ce que je sais et que tu sauras
(elle est comme cela, tant que les résultats n’entreront pas, qu’elle n’aura
pas tout lu, analysé… pragmatique, analytique, ma scientifique… elle ne le
dira pas à ceux qui s’inquièteraient, qui en ont assez sur leurs épaules,
stress inutile pour elle, expérience des années aussi), c’est que je dois
passer un test. Maman m’y prépare, comme elle sait si bien le faire. Ma traductrice.
Scénario social. Écrit par moi. Traduit par elle. Mise en situation.
Préparation. Compréhension. Bien être.
La
joie, pour tous les spécialistes du domaine de la santé, c’est que ma maman,
elle a appris, il y a fort longtemps, à laisser son cœur dans le stationnement
de l’hôpital (cela doit être les trois fois où ma sœur a failli y passer ou ses
dizaines d’hospitalisation, ou un mélange de toutes ces réponses…). Côté
efficacité enveloppante, personne ne la bat. Elle me regarde, me dit «j’entends
ta détresse, mais nous avons pratiqué ceci x ou y. Revoici les étapes de notre
scénario, point!» Aux mots «j’entends», je sais qu’elle est là. Je sais aussi
que ce sera cela, point. C’est comme la clause imprévue que papa a inventée (il
l’appelle souvent. Maman aussi. Ma petite sœur aussi. Mes grandes sœurs aussi.
Moi aussi. Cela me rassure). Il y a aussi le carré magique…oui, oui, je te
jure, elle peut tracer un carré magique, peu importe où nous sommes. Magie! Je
peux m’y réfugier. Oublier tout!
Tu
sais, je dis compréhension et je dois te parler du jour où j’ai appris que
j’étais autiste. Ce jour où j’ai enfin compris pourquoi je voyais la vie
différemment. Du pourquoi devant une forêt (vision d’ensemble), je vois
l’écorce du bouleau, 2e rangée, champ gauche, 4e colonne (vision des détails).
Ne me demande pas : de trouver l’érable, si je regarde le bouleau. Du
pourquoi, je couche mon sablier pour me brosser les dents, ce sont deux
minutes, non?! (merci papa d’avoir compris!) Ne me dis pas que je perds mon
temps! (désolée, me dit maman) Au contraire, je respecte le temps, à la l-e-t-t-r-e!
Du fait que je replace son collier lorsqu’il est croche. Ne me dis pas de ne
pas « niaiser », je place mes repères. Tout doit être à sa place. Tout!
C’est tout! Pas seulement le matériel, l’invisible aussi. Ma routine, mes
routines, sont importantes pour me permettre d’évoluer, de vivre, de gérer mon
schème de pensée autistique. Tenter d’éviter la surcharge cognitive! Réduire
l’anxiété.

J’ai des couleurs uniques

Apparemment,
j’ai sept diagnostics (ah, ces grands mots. Grandes étiquettes. Mots
nécessaires. Pour me comprendre. Pour que TU aies une idée de comment
m’aborder; pas de mettre dans un moule hein! Que j’ai hâte que l’on parle des
besoins, et non plus de codes : 50, 33, 36, 99, alléluia! Je ne suis pas
un 50, ok!? Ma sœur n’est pas une 33 organique, d’accord!)!
Les
parents appellent cela mes spécificités, mes couleurs. Chaque être humain est
unique, non? Imagine si nous étions tous pareils, comme Uxley l’a imaginé (tu connais Le
meilleur des mondes
? Pas
La Guerre des mondes, là!)
Moi, je ne peux pas!
Je
dois te dire, humain.e, que j’ai adooooooré la présentation du TDAH par ma mère
(son analogie avec le policier qui est en pause, qui a cessé de gérer la
circulation en orbito-frontal, transformant du coup cette zone en passoire, est
parfaite)…elle m’expliquait le tout, puis, papa  a dit «hey, regardez un écureuil!»,
«où cela?», a-t-elle dit, bien assise au salon, dos à la fenêtre. «Tu vois mon
coco, c’est cela!», a répondu papa.
Pour
mon handicap physique, maman m’a expliqué le tout avec les neurones et les
circuits, avec des chemins (tu sais, j’ai l’image d’un vrai cerveau avec les
autoroutes neuronales sur le mur de la cuisine!) Je peux te dire secrètement
que je déteste quand mes mains ne m’écoutent pas, que mon corps fait des
siennes…Pourquoi moi! Pourquoi, toujours moi!, dis-je souvent en colère…

Autisme, la couleur de Lou #30couleurs

 

J’apprends à être moi

Pour
l’autisme, ce fut un accident, non préparé. Ce fut avec une vidéo que la porte
de la communication s’est ouverte. La vidéo, Mon petit frère de la
lune
[2], que maman montrait à ma sœur. J’ai
entendu. Je suis arrivé. Crié. Hurlé. J’étais en colère, qui s’était abrogé le
droit de faire une vidéo sur moi. Qui m’avait volé ma vie, l’avait illustrée
ainsi. Incompréhension! Désorganisation! Choc! Compressions, lézard, tangle,
câlins, calme, scénario social, retour au calme! Explications. Décodage.
Traduction.
Depuis ce temps, j’apprends à être
moi. À chaque jour, ma fierté d’être autiste grandit. Là, on s’entend que nous
ne sommes pas au pays des licornes roses, de la limonade, où le ciel est
couleur arc-en-ciel et que l’air a cette douce odeur de barbe-à-papa.
 Ma fierté d’être moi!
Du
coup, cette fierté amène la compréhension, qui amène une ouverture, qui amène
la fierté. Tu me suis toujours?
Fierté
qui s’exprime ainsi:
«Ce
n’est pas otite, je suis autiste!», dis-je mort de rire en refusant de prendre
mes antibios…(trouble de la modulation sensorielle sort de ce corps)
«C’est
normal,
mon frère peut pas
mentir, il est ”tautiste“», dit ma soeur, pas encore experte des figures de
style (blague de geek ici), outrée de d’entendre maman dire qu’il fallait cacher
la vérité pour un poisson d’avril.
«Ahhhh,
c’est un grand jour aujourd’hui, c’est ma journée! La journée des autistes!»,
dis-je avant d’aller à ma 1ère activité adaptée (je ne comprends
toujours pas pourquoi les parents pleuraient devant la générosité des bénévoles
de Autism Speaks [merci pour cette tape/câlin dans
mon dos, fait dire maman ] et de ToysrUs).
« Une
poussette adaptée, non, ne m’en parle pas », dis-je, avec mon petit accent
français, à Pô, ma Pô. « Un VTA », inventai-je, un instant plus tard.
Véhicule de transport pour autistes (maman lève les yeux au ciel ici).
«Tu
ne peux pas comprendre, tu n’es pas autiste toi!», dis-je fièrement. Comme
cela. Naturellement.

Laissez-moi suivre ma voie

Au-delà, de mes diagnostics, je suis
moi, comme toi, tu es toi
. Un
être à part entière, un être complet.
Ma couleur, c’est le gris. Tu sais combien de nuances de gris existent
sur terre, dans Word surtout? Tu ne le sais pas, c’est correct. Ne
pas savoir, c’est beau! Cela me laisse de la place pour t’expliquer qui – je – suis.
Moi.
Le gris, c’est
magnifique: une union entre le blanc (la pureté, la réflexion) et le noir
(l’union de toutes les couleurs, ça, je te l’apprends peut-être). Le gris est
donc une union pure-réflexive-colorée. Et moi, je te demande de croire en moi.
De ne pas baisser les bras. S’il te plait. De ne pas amputer mon avenir parce
que je prends du temps à me remettre de mes traumatismes crâniens. Du temps,
car ma douance est occultée, mon être est en ce moment dans un brouillard
total, le brouillard de la confusion. Mes circuits nerveux, telle une
autoroute, vivent un embouteillage digne du cafouillage de la 13. Mon
impatience, mes crises de pleurs, ma fatigue (ohhhhh ma fatigue qui me fatigue),
mon opposition, ma surcharge, mon agressivité, ma rage de voir les mots sortir
croches, non alignés, comme avant, tout cela se rétablira, ou pas. Pour
l’instant, laisse-moi être moi. S’il te plait. Donne-moi du temps. Donne-moi la
chance de ne pas suivre ta voie. Donne-moi la chance d’être moi! Espoir.
Espérance.
Toi,
humain, bel humain, qui me lis, je veux te dire une chose. La vie est
magnifique! Je veux te dire qu’avec mon grand cœur, je décrocherai la lune pour ceux
que j’aime. Or,
comme
je l’ai dit il y cinq ans à maman, «je peux pas, je n’ai pas d’échelle!»
Ensemble, tous ensemble, nous pouvons être l’échelle de quelqu’un. Tu peux être
mon échelle, ou du moins, une marche de celle-ci.
Mon sentiment de compétence sera
développé, le tien aussi.
Amour,
joie, gratitude, comme dirait une amie si chère à mère
Lou ?
Ps: je
vois maman qui est à la maison depuis le 2 février, 12h15, 2016. Elle ne le
savait pas, mais ce jour marquerait les mois, nos mois (années?), à venir. Ma
maman, celle qui devait être doctorante à l’heure où j’écris ces mots, mais qui
a dû mettre les derniers milles de son mémoire sur la glace. Je vois maman, qui
n’a plus d’énergie….Comme lui écrivait papa, son héros, en hommage aux femmes
de militaires, le 8 mars dernier (le jour où elle a manqué une rencontre avec
son idole, son général, son Roméo Dallaire[3]. Papa, mon artilleur à moi, lui a
promis qu’il trouverait comment!): «C’est une année très
difficile pour nous, mais elle est toujours là, à voir aux besoins de chaque
membre de la famille. Elle s’oublie souvent. Sans elle et ses efforts
incroyables, je ne pourrais pas me lever à chaque matin et aller travailler
comme si de rien était. Je lui dois tout.»
Je
vois ta solitude maman. Sa solitude…Or, sa solitude est mon roc
stabilisateur. Ce roc qui me permet de progresser, d’avancer, de comprendre.
Maman, qui après avoir conté dans les moindres détails tout et retout aux
spécialistes, aux intervenants, à mon super enseignant, à …, à….bien, elle
n’a juste plus le goût de parler. Et, en ce moment, je vois bien qu’elle n’est
plus réceptive aux autres. Je crois qu’elle est en surcharge sensorielle. Oohhhh,
que je la comprends! Bruit.s. Lumière. Son.s. Surcharge.
Son
restant d’énergie, elle le donne entièrement et totalement à ma sœur. Son rayon
de soleil sur deux pattes. Mon rayon de soleil. Son rayon de lumière. Mon rayon
de lumière. Son enfant lumière. Ma meilleure amie. Ma seule amie. Son phare qui
lui permet d’avancer dans les nuits noires de mes crises, de mes
désorganisations. Ma sœur qui fait tout ce que je ne peux plus faire (cinéma,
sorties, épicerie, pharmacie et folies). À papou (c’est faux qu’elle dit, il ramasse
les restants…). À son amie qui lui écrit en détresse que rien ne va plus. À ses
étudiantes de #DidAdapt Hi-2017 (ses rayons d’arc-en-ciel, vraiment et sincèrement!). À mes
grandes sœurs, quand elle en a la chance. À cette personne qui lui demande
conseil. À cette dame qu’elle voit transporter une bouteille d’eau si lourde. À
ce monsieur qui lui jase à une caisse. Elle, elle sourit! Ne dit mot! Ne se
plaint jamais! Puis, pour les autres, il n’y a plus rien. Ne la blâmez pas,
elle n’en a plus pour elle!
Ps2:  je tiens à remercier les anges qui
ont traversé notre route, . (la chance que j’ai, que maman a de t’avoir), ., Isa., H., Ju., Ma., tout le personnel au PAC et en DE à l‘IRDPQ,
ma super ergo,  ma neuro, ma physiatre, mon
évaluatrice de
chez Mira : J. et
Vivaldi
, ma TS, et, et, elle en
oublie, et… (merci ma maman d’avoir trouvé la voie de l’autoréférence, sinon,
nous serions encore sur une liste quelconque). Sans ces anges, les repas
auraient été moindres à notre table. Tu sais humain.e, les besoins des familles
comme la mienne sont criants, car il n’y a pas de filet social pour nous (cas
trop complexe, ne casant nul part). Besoins de produits. Trouver plus de 400$
de plus par mois. L’appauvrissement de la famille s’en suit…Sais-tu combien
cela coûte en stationnement, en repas sur la route, en surprise… un enfant
comme moi?
Ps3: merci Nadia,
Julie, Caro, Karine, Chris
. d’exister, de comprendre maman sans la
juger!  À toutes celles perdues en route, vous êtes dans son coeur, elle
comprend! Merci à la Coalition de parents d’enfants à besoins particuliers d’avoir vu le jour! Maman est touchée!

 

[1] Ce texte a été approuvé par le principal concerné. Il a dit et je
cite : « C’est bien moi! On dirait que tu as lu dans ma tête!»
[3] Pour en apprendre plus sur ce grand homme : http://www.romeodallaire.com/?lang=fr

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CatherineNadia et Julie, cofondatrices

 

Nous remercions Valérie Bouchard, de Minimo motivation ludique, pour le logo et Dominique Gingras pour la révision linguistique

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