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« Ce n’est pas facile pour nous aussi »

Restaurant autiste

Un son fracassant envahit le restaurant, suivi par un silence. Tout un silence. Quelques secondes pendants lesquelles une dame, assise dans une table de biais à nous, se retourne pour nous faire un regard glacial. Un mélange de dégoût pour nous et pour notre petit garçon de 2 ans et demi. Un regard qui nous juge, un jugement sur notre enfant et sur « comment il est mal élevé ».

C’est que cela fait plus de 40 minutes que nous sommes attablés et c’est intense. Il n’y a pas de chaise haute dans ce restaurant, seulement des petits bancs d’appoints qui ne s’attachent pas. C’est périlleux.

Nous sommes sur une banquette et j’ai mis Super Lapin au fond avec la chaise booster, je me suis placée à côté de lui. L’attente est longue, j’ai demandé un verre en plastique pour lui donner de l’eau en petite portion. Il bouge beaucoup, boit son eau, met ses mains dans le verre et en reverse délibérément la moitié. Quand le repas fini par arriver, il ne mange pas, ou quelques fruits tout au plus. La stimulation est trop intense pour qu’il puisse manger. Il joue bruyamment en s’exclamant des « Ohhh » et s’enthousiasme. Ou bien il essaie de se glisser sous la table ou bien de passer par-dessus moi. Il bouge tant que je suis incapable de manger, je dois parer à son activité pour éviter le désastre. Une fois que mon mari a terminé son repas, nous changeons de place tous les deux, pour me permettre de manger.

C’est un peu plus tard qu’il a fait voler le menu des desserts avec un socle en métal. Il a été projeté sur la table, entre nos trois verres d’eau en verre (sans en toucher un seul, tout un exploit), pour finir sa course au sol dans un fracas impressionnant.

Nous sommes sans Yéyé aujourd’hui, sa grande sœur de 7 ans. Elle nous a demandé pour rester chez Papi et Mami, cela nous donne un peu de répit. C’est plutôt la grande fille de 16 ans de mon conjoint, donc la grande grande sœur qui nous accompagne. Assise face à moi, elle a tout vu.

Elle nous a même partagé en début de repas sa réflexion sur le travail et la patience dont nous avions besoin pour nous occuper des enfants, surtout en parlant de Super Lapin. Je venais alors de récupérer une mèche de cheveux sur laquelle mon petit coco tirait avec vigueur, tout en gardant mon calme. Elle se demandait comment nous faisions.

« On fait notre possible, tout simplement. »

C’est un coup à donner, une période à passer. C’est plus facile maintenant dans le sens que nous sommes passés par ce chemin pour notre Yéyé. Mais en même temps, c’est plus exigeant, nous sommes plus fatigués et parfois Yéyé n’aide pas lors de certaines sorties, ce qui rend l’aventure encore plus… une aventure.

Ce n’est pas toujours le cas, Yéyé nous aide quand même passablement la plupart du temps, mais parfois, elle n’a plus de patience, elle est émotive, plus réactive aux refus ou aux imprévus et ce sont ces sorties-là qui deviennent mémorables, héroïques, épuisantes. Même parfois dramatiques. Voir à ce sujet notre histoire sur la direction de la protection de la jeunesse.

À lire : Et si vous pouviez aider? Ou l’histoire de la plainte à la DPJ

J’ai vu le regard de la dame. Je le connais ce regard, ce n’est pas la première fois que je le vois. Je suis restée calme et posée. Puis, je me suis levée et je me suis rendue à la table de la dame qui nous avait fait ce regard dévastateur et méprisant. Cette dame me faisait dos, et elle ne s’est pas retournée pendant mon intervention. Mais sa voisine de face m’a bien vue et m’a fait un regard désolé et mal à l’aise suite à ma phrase :

« Il est autiste. Ce n’est pas facile pour nous aussi. »

Et je suis retournée m’asseoir. Tout simplement. J’ai gardé mon calme pendant cette intervention. Je n’ai pas pris le temps de réfléchir, c’était spontané et sincère. Je pense que cela a grandement servi mon message.

Nous allons continuer à sortir avec nos enfants. C’est important pour nous, mais surtout pour eux. Ils doivent apprendre à se comporter dans les lieux publics et pour cela nous devons les exposer à ces situations.

Oui, nous sortons dans les lieux publics. Et oui, nous faisons face contre vents et marées aux regards des autres.

Mais nous continuons. Et je continuerais de le raconter. Pour que les choses changent, pour que les regards changent. Pour que petits à petits, la société permette à nos enfants d’être et les respecte tels qu’ils sont.

Mais aussi, pour que la société les accompagne dans leurs apprentissages des habiletés sociales.

Et vous, vous avez déjà vu ces regards?

Comment vous êtes-vous sentis?

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