0
0

Entrevue: Qui se cache derrière Mission Méditation (Pour des élèves épanouis, calmes et concentrés)?

Mission méditation

En bref, qui est Catherine Malboeuf-Hurtubise?

C’est la maman de deux charmants enfants!

Elle est psychologue clinicienne se spécialisant en enfance/adolescence.

De plus, elle s’est intéressée à la méditation basée sur la présence attentive lors de son doctorat.

Enfin, elle a décidé de développer son propre programme d’intervention lorsqu’elle a réalisé qu’il se faisait très peu de matériel intéressant et facile d’utilisation en français.

Catherine Malboeuf-Hurtubise auteure

Catherine Malboeuf-Hurtubise, psychologue

Comment êtes-vous arrivée à Mission Méditation? C’est quoi votre parcours?

Suite à mon doctorat, j’ai complété deux postdoctorats (qui ont été co-supervisés entre autres par Éric Lacourse) et j’ai développé davantage mon intervention en méditation, mais en l’adaptant cette fois-ci au milieu scolaire.

J’ai aussi travaillé deux ans en milieu scolaire (où j’ai fait mes internats en psychologie). J’ai toujours eu un attrait particulier pour la psychologie scolaire et en lien avec mon travail clinique, cela tombait sous le sens d’axer Mission Méditation en milieu scolaire primaire.

Mon premier poste de professeure était à l’Université du Québec en Outaouais, dans le département d’éducation, ce qui m’a aussi confirmé mon attrait pour le milieu scolaire et m’a permis de continuer à développer des partenariats avec les écoles et commissions scolaires du Québec. Je suis aujourd’hui professeure en psychologie à l’Université Bishop’s et je poursuis ma recherche – en collaboration avec Geneviève Taylor, de l’UQÀM – en psychologie scolaire, à savoir l’effet de la présence attentive sur des variables telles que l’attention, la dépression, l’anxiété, mais aussi le bien-être, la motivation et la satisfaction des besoins psychologiques de base chez les élèves du primaire. Geneviève et moi étudions tant l’impact chez des jeunes en classes régulières (avec ou non difficultés psychologiques identifiées) que chez des jeunes en classes spéciales (p.ex. difficultés graves d’apprentissage, troubles psychiatriques sévères).

Lisez l’Entrevue : Mme Ariane Hébert, psychologue, nous présente son dernier guide pour les parents

Mission Méditation, c’est quoi?

Un outil pour tous

C’est un outil qui s’adresse tant aux enseignants qu’aux professionnels scolaires ou en relation d’aide (p.ex. psychologues, psychoéducateurs, travailleurs sociaux, etc.) ou même aux parents.

Au départ, le but de Mission Méditation était de pouvoir fournir aux intervenants un outil et un guide clé-en-main afin d’incorporer des exercices de méditation basée sur la présence attentive dans leur quotidien.

À travers mes travaux de recherche et mes études cliniques au doctorat, j’ai vite constaté qu’il n’existait que très peu d’outils en français et que ceux-ci, à mon sens, étaient souvent mal adaptés aux besoins quotidiens de la réalité scolaire.

Ainsi, je souhaitais écrire un livre qui viendrait répondre à ce besoin – notamment parce que ces dernières années, il y a un réel engouement pour la présence attentive, mais que les bons outils qui permettent aux novices de s’approprier les techniques se faisaient rares.

Aider directement les enseignants

Au fil de mes recherches et de mon travail en milieu scolaire, j’ai aussi noté que les enseignants ont un réel désir de s’outiller eux-mêmes pour être en mesure d’aider leurs élèves à mieux gérer leur stress et à mieux réguler leurs émotions. Ils veulent être capables de fournir des outils à leurs élèves, surtout dans le contexte scolaire actuel qui est difficile. Considérant que les enseignants sont de plus en plus surchargés, que les groupes sont plus gros et que les enfants avec des difficultés particulières sont davantage intégrés dans les classes régulières, on note que le stress tant des enseignants que des jeunes est parfois plus important. Les enfants expriment davantage de détresse et ont parfois plus de difficulté à gérer leur stress – et ils expriment cette détresse à leur enseignant.

Aucun mode d’emploi

En termes d’utilisation, il n’y a pas de mode d’emploi spécifique pour le livre. Celui-ci présente plusieurs types différents de méditation basée sur la présence attentive, et les enseignants peuvent choisir de compléter seulement certaines activités (ou toutes), dans l’ordre ou le désordre. La progression qui est proposée dans le livre a été pensée pour que les activités les plus « arides » se retrouvent à la fin et que les plus ludiques se retrouvent au début, question de faciliter le processus. Nous recommandons de pratiquer au minimum une fois par semaine, mais c’est encore mieux quand les enseignants incorporent un peu de présence attentive au quotidien! L’attention (ou la présence attentive) est comme un muscle qui s’affaiblit s’il n’est pas sollicité – il est donc recommandé de pratiquer souvent pour développer ses habiletés de présence attentive.

Mission méditation

En milieu scolaire, quelle place souhaiteriez-vous donner à la méditation?

 

Il faut comprendre que l’état de la recherche auprès des enfants est encore préliminaire. Ainsi, plusieurs études pilotes réalisées depuis 2014 nous indiquent des résultats encourageants, à savoir une diminution des symptômes d’anxiété et de dépression, d’inattention et de l’agressivité et une amélioration du climat de classe. Or, à l’heure actuelle, nous sommes rendues à faire des études à plus large échelle pour évaluer l’impact de la présence attentive auprès de jeunes de différents âges/niveaux scolaires et avec des problématiques différentes.

Et si c’était bon, même pour les enseignants?

Récemment, on s’intéresse aussi à l’impact de la présence attentive pour les enseignants eux-mêmes, à savoir si elle peut être un bon outil pour diminuer les taux de burn-out, l’abandon professionnel et si elle est un bon outil pour gérer son propre stress. Je collabore à plusieurs projets en ce sens avec notamment Geneviève Taylor (UQÀM, éducation) et Mylène Leroux (UQO, éducation).

À mon sens, la méditation ne devrait pas devenir obligatoire, elle devrait plutôt être présentée comme un outil de plus à mettre dans sa boîte à outils pour gérer son stress et ses émotions.

La méditation ne devrait pas être obligatoire, mais…

Récemment, lors d’entrevues, on me pose souvent la question à savoir si je souhaiterais que la méditation basée sur la présence attentive soit ajoutée unilatéralement au cursus scolaire. L’idée m’apparait intéressante, mais, considérant le fait que le champ de recherche est encore émergent, il y a une réelle nécessité de faire plus de recherche avant de l’ajouter formellement. À mon sens, la méditation ne devrait pas devenir obligatoire, elle devrait plutôt être présentée comme un outil de plus à mettre dans sa boîte à outils pour gérer son stress et ses émotions.

Quel est votre message pour les enseignants qui hésitent ou doutent de mettre en place des moments de méditation en classe?

Ne pas avoir peur d’une charge de travail supplémentaire

Certains enseignants sont effectivement réticents à incorporer des exercices de méditation dans leur routine quotidienne. Souvent en raison de la charge de travail en surplus que ça représente d’aller se former et d’ensuite planifier les activités dans leur classe. Il faut savoir, d’emblée, que dans plusieurs cas, ce sont les enseignants eux-mêmes qui nous approchent afin d’être formés à la présence attentive. Ainsi, on note un intérêt certain chez les enseignants qui, comme je l’ai mentionné plus haut, veulent s’outiller pour être plus à même d’aider leurs élèves.

Il faut défaire le mythe de la personne qui médite assise en position du lotus en chantant « öm ». Auprès des enfants, et spécifiquement au sein de notre approche, nous ne faisons rien de tel.

Se défaire du mythe du « öm »

Ensuite, auprès d’enseignants réticents, je commencerais par mentionner que la présence attentive est une pratique laïque, qui n’est pas ésotérique. Il faut défaire le mythe de la personne qui médite assise en position du lotus en chantant « öm ». Auprès des enfants, et spécifiquement au sein de notre approche, nous ne faisons rien de tel. Il s’agit d’une pratique en expansion qui gagne en popularité en milieu scolaire, qui est largement pratiquée dans les écoles et qui est de plus en plus recommandée par les médecins omnipraticiens pour les jeunes.

Sauver du temps en incorporant la présence attentive

Enfin, il est important de noter que la grande majorité des enseignants avec qui nous avons travaillé nous indiquent qu’au final, ils sauvent du temps dans leur journée après y avoir incorporé la présence attentive. En fait, comme les jeunes régulent mieux leurs émotions et leur stress, les enseignants se retrouvent à faire moins d’interventions en gestion de classe et gestion de conflits. À mon avis, c’est le meilleur argument!

Le livre s’adresse principalement aux intervenants du milieu scolaire, est-il possible pour les parents de l’utiliser à la maison?

Absolument. Les scripts de méditation demeurent les mêmes, les activités peuvent facilement se faire à la maison (vs. en classe) et pour chaque activité, nous proposons une foule de réinvestissements et variantes qui peuvent aisément se faire à la maison avec les parents. C’est même recommandé de poursuivre à la maison!

Vous mentionnez que la méditation permet de belles améliorations pour les enfants ayant des besoins particuliers. Pouvez-vous nommer les clientèles avec lesquelles vous avez observé ces améliorations?
Nous avons surtout travaillé auprès de jeunes qui avaient des difficultés graves d’apprentissage et des jeunes avec un trouble psychologique identifié (ex. trouble dépressif majeur, trouble anxieux).

Nos recherches, bien qu’encore préliminaires, nous montrent un effet bénéfique de la présence attentive sur les symptômes d’anxiété, de dépression et d’inattention, mais aussi sur le bien-être de ces jeunes (p.ex. la satisfaction des besoins psychologiques de base, et le bonheur).

Depuis quand vous intéressez-vous particulièrement aux enfants? Pourquoi? Est-ce que ça a influencé vos choix d’études?

Depuis toujours! Il a toujours été très clair dans mon esprit que je deviendrais psychologue pour enfants. Je n’interviens auprès des adultes qu’au sein de leur rôle comme parent (ou enseignant). À savoir pourquoi, c’est difficile à dire, j’ai juste toujours beaucoup aimé les enfants. Je crois que mon côté « optimiste devant l’éternel » y est pour beaucoup.

Mon plan B de carrière était d’être enseignante en maternelle. J’aime m’assoir et parler avec les enfants, bricoler, dessiner. C’est parfait pour faire aller ma créativité.

Ensuite, comme j’ai plutôt choisi de devenir professeure à l’université, je me dois de mentionner qu’en cours de route, j’ai développé un intérêt accru pour la recherche. Je suis une personne très curieuse, j’aime obtenir des réponses à mes questions, et en ce sens, le fait d’être professeure (donc chercheure) me comble à ce niveau. J’ai un peu délaissé la pratique clinique depuis que je suis professeure, mais je songe très sérieusement à m’y remettre à temps partiel prochainement. Le contact avec les enfants me manque.

Quel serait le meilleur conseil que vous pourriez donner aux parents? Est-ce qu’il a changé depuis que vous êtes parent?

Ouf, c’est une question difficile! Je commencerais par reconnaître que c’est difficile, être un parent. Juste de le dire, de le reconnaître, c’est important. C’est donc normal de trouver ça difficile de temps à autres. Il n’y a pas de recette magique, il faut essayer, se tromper, se réajuster. Ensuite, je dirais que le meilleur conseil que je puisse donner, c’est d’avoir de l’auto-compassion. C’est normal de se tromper, il n’existe pas de guide avec étapes détaillées de « comment être un bon parent », on apprend à être parent en le devenant, donc c’est difficile aussi de s’y préparer et de savoir dans quoi on s’embarque. Bref, il faut être indulgent envers soi-même. On fait de notre mieux, on a des bonnes et des moins bonnes journées, mais ça ne fait pas de nous des mauvais parents pour autant.

Je crois que je donnais déjà ce genre de conseil avant d’être parent moi-même, mais je dirais qu’il a réellement pris tout son sens depuis que j’ai eu mes enfants! Et j’ajouterais aussi que c’est une chose de conseiller d’être bienveillant envers soi, c’en est une autre de l’appliquer au quotidien. Je suis, très régulièrement, une cordonnière mal chaussée à ce niveau!

Qu’est-ce que vous trouvez le plus beau de la parentalité?

Ah, c’est facile. Le plus beau de la parentalité, ce sont mes enfants! De les voir se développer, découvrir le monde qui les entoure, faire du sens de ce monde. C’est magique…sans compter que je les trouve tellement beaux! 😉

Les enfants ont cette capacité innée d’être en présence attentive. Ils sont dans le moment présent parce qu’ils n’ont pas encore développé les capacités de raisonnement abstrait qui nous permettent de ruminer, d’être dans l’anticipation, d’être anxieux. Alors ils profitent réellement, pleinement, de chaque instant. En ce sens, nous devrions aspirer à être davantage comme eux!

Et le plus difficile?

Le plus difficile : la constante remise en question. D’avoir constamment peur de poser le mauvais geste, de ne pas avoir la bonne méthode pour les éduquer. De ne pas être un bon parent. Je me remets en question facilement 100 fois par jour (et je ne parle ici que de ce qui touche à mes enfants! ). Faire de la discipline aussi, ce n’est pas mon fort. Je déteste faire la discipline et je me trouve souvent à osciller entre le laisser-aller et le contrôle. Je dirais que c’est ce que je trouve de plus difficile avec le fait d’avoir deux enfants en bas âge. Quand le 2e arrive, la fatigue est d’autant plus importante, de sorte que ma patience s’étiole.

Quelles sont les personnes qui vous inspirent comme parent (connues ou pas) et pourquoi?

Aflie Kohn m’inspire

Récemment, je m’intéresse beaucoup aux écrits d’Alfie Kohn qui prône l’autodétermination des enfants dans notre manière de les éduquer. Ainsi, il suggère de laisser beaucoup de place à l’enfant lui-même afin de décider, par lui-même, ce qui l’intéresse, ce qui le motive, etc. Le parent est donc présent pour assurer un cadre sécuritaire et certaines règles de base, évidemment, mais tente réellement d’imposer le moins possible ses choix et préférences à son enfant. J’aime bien comment il mentionne que dans la société actuelle, on s’attend d’un « bon enfant » qu’il écoute les consignes et qu’il soit calme…alors qu’on aspire à ce que nos enfants deviennent des adultes leaders, avec une personnalité assumée, qu’ils soient des adultes heureux, persévérants, créatifs, etc. Ceci est donc contradictoire jusqu’à un certain point. On voudrait que nos enfants soient calmes et qu’ils nous obéissent, mais on souhaite aussi qu’ils deviennent des adultes affirmés.

Mais de passer à la pratique, c’est plus difficile

Ses travaux m’inspirent beaucoup, mais je dois admettre que j’ai parfois beaucoup de difficulté à les mettre en pratique. Nous avons tous des journées où nous avons la mèche plus courte et où nous aimerions simplement contrôler l’agenda (j’ai un fils de 3 ans…et je peux confirmer qu’avec le début du terrible two, ce n’est pas une mince affaire de ce côté!)…mais j’essaie de me rappeler de tout ça au quotidien afin de ne pas trop imposer ma façon d’être à mes enfants. Ultimement, est-ce si important de choisir quelle paire de soulier il mettra? Ou avec quel jouet il jouera? Ou de quelle façon il fera sa tour de blocs?

Alors pour répondre à la question – j’admire immensément les parents qui réussissent à laisser leur enfant s’épanouir et s’autodéterminer au quotidien. Pour ce faire, je crois aussi qu’il faut être capable de se détacher de ce que la société nous dicte qu’un bon parent et/ou un « bon enfant » devrait être. Et ce n’est pas toujours évident à faire!

Et vous, qu’aimez-vous lire présentement?

Unconditionnal parenting, d’Alfie Kohn (En français – Aimer nos enfants inconditionnellement). Il a aussi articulé ses idées en lien avec le milieu scolaire (p.ex. What does it mean to be Well-Educated?) – et je trouve tout ça immensément intéressant.

Est-ce que vous arrivez à vous offrir des #METIME (petites ou grandes pauses, juste pour vous) pour déposer votre charge mentale et vous ressourcer?

Pour être franche – pas tant, non. J’aime beaucoup aller en forêt, et j’essaie d’y aller le plus souvent possible, mais j’y vais avec mes enfants, car j’espère leur transmettre mon amour du plein-air! Sinon, comme je suis en congé parental en ce moment, je n’ai pas beaucoup de moments de pause, mais je dirais que lorsque j’en ai, je les consacre surtout à faire du sport.

Où vous voyez-vous dans 5 ans?

Avec trois enfants! (j’en ai 2 en ce moment). Je me vois encore professeure, à un emploi où je pourrai concilier travail et famille, tout en priorisant ma famille et en étant présente auprès de mes enfants. Pour le reste, pourvu qu’ils soient heureux et épanouis (et nous aussi, bien entendu), je sais qu’on s’arrangera!

***

Le livre vous intéresse? Participez à notre Concours!


Pour le livre Mission Méditation, c’est ici

Crédit photo : Gaëlle Lina

Suivez Catherine Malboeuf-Hurtubise sur Twitter et les Éditions Midi Trente. Ces derniers sont aussi sur Facebook, c’est une belle page dynamique à suivre.

Vous pourriez aussi aimer

Abonnez-vous à mon infolettre!


 

Et recevez gratuitement l’outil « 20 informations incontournables à partager avec les intervenants de mon enfant »

 

Pin It on Pinterest

Share This