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Laisse-moi te parler d’inclusion – Point de vue de maman

Inclusion. La scolarisation est un sujet qui devient rapidement émotif. Inclure ou exclure. Dans quel but? Apprendre à vivre ensemble. Permettre à l'enfant de développer son plein potentiel et d'être heureux.

Laisse-moi te parler d’inclusion un peu, parce qu’on dirait que ce mot-là dérange, des fois.

Il n’y a pas si longtemps, je lisais des commentaires sur les réseaux sociaux à la suite d’un billet de blogue (que je n’ai pas lu). Je ne me rappelle ni du titre, ni de qui l’avait écrit, mais en soi, ce n’est pas si important. Ce qui m’a vraiment marquée ce sont les commentaires.

Plusieurs parents commentaient en disant que l’exclusion était la meilleure solution quand un enfant avait un diagnostic. Parce que « ces enfants-là » dérangent l’apprentissage de leur enfant.

Et ça m’a fait mal de lire ça.

Ça m’a fait mal parce que j’ai déjà pensé comme ça.

Ça m’a ramenée loin en arrière, au moment où je ne savais pas ce que vivaient ces familles d’enfants différents.

Aujourd’hui, j’ai eu envie de parler de ça. Parce qu’un discours comme celui-là, ça revient trop souvent encore, surtout sur les médias sociaux.

Avertissement

Je dois absolument en faire un. Parce que je sais que ce genre de sujet peut devenir très émotif.

Dès qu’on parle d’enfant et d’éducation, on joue dans les valeurs les plus profondes des gens.

Je prendrai soin de peser mes mots et d’être la plus respectueuse possible dans mes propos.

J’exprimerai mon point de vue de femme, enseignante et maman qui a vécu plusieurs années en pensant que l’exclusion était la meilleure alternative et qui a changé d’idée.

Dans le texte, je ferai référence à mon vécu, mais aussi à la loi et à de la documentation fournie par l’OPHQ.

L’idée est de présenter un discours cohérent et nuancé. Parce que tout n’est pas toujours tout noir et tout blanc.

Les arguments pour l’exclusion

Il serait faux de croire que je vois l’exclusion comme quelque chose d’absolument négatif.

Il y a beaucoup de belles choses qui se passent en classes ou en écoles adaptées. Les enseignantes en adaptation scolaire et les techniciennes en éducation spécialisée font un travail fantastique auprès des enfants.

Certains enfants fonctionnent beaucoup mieux dans un environnement adapté avec des ressources plus nombreuses pour leurs besoins. Ils y sont plus heureux. Ils se réalisent pleinement.

Certaines commissions scolaires misent beaucoup sur l’exclusion, parce que c’est leur moyen de mobiliser les ressources de façon plus efficaces (je reviendrai là-dessus plus loin). Elles peuvent donc sauver des sous en investissant davantage dans les classes adaptées plutôt que d’éparpiller les sous à la grandeur de leur réseau.

Les enfants en classe adaptée ont donc accès à plus de services et, souvent, c’est à leur avantage.

Les dangers de l’exclusion

Quand elle existe, elle peut devenir rapidement un fourre-tout, une solution facile.

Sans vouloir faire de généralités, je me rends compte que plusieurs enfants vivant avec la trisomie 21, notamment, vivent de l’exclusion systématique ou sont poussés vers celle-ci, alors que l’inclusion n’a même pas été tentée ou bousillée.

Tant en personne que sur des groupes de parents, je suis témoin de commentaires concernant des situations où l’enfant vivant avec des défis n’est pas supporté dans sa classe régulière, ce qui entraine des problèmes qui soutiennent la nécessité de faire appel à la classe adaptée. Les parents se trouvent contraints de se battre pour faire valoir les droits de leur enfant ou d’abdiquer.

Charte québécoise des droits et libertés de la personne, article 10

Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la rasse, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.

Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.

De pousser un enfant vers la classe adaptée, sans avoir tenté l’intégration ou mis en place des moyens pour rendre l’inclusion possible devient donc de la discrimination.

Ce qui me ferait choisir la classe adaptée pour mon enfant

Pour l’instant, j’ai deux fils vivant des défis particuliers bien distincts. L’ainé a un diagnostic de douance alors que le deuxième vit avec la trisomie 21.

Mon grand de 7 ans

Il a des défis au niveau social. La communication avec ses pairs est difficile parce que son cerveau fonctionne différemment. Ses neurones vont extrêmement vite, parfois, il pense plus vite qu’il parle et il parle pour ne pas perdre le fil de sa pensée.

Dans la vie, côtoyer quelqu’un qui déverse un flot continu de mots peut devenir lourd, surtout pour un enfant.

Dans sa classe, mon fils ne passe pas inaperçu. Il répond à toutes les questions, il parle, il bouge.

Il est capable de fonctionner en classe parce qu’une de ses rigidités est de respecter les règles à la lettre. Mais il a besoin de certaines adaptations pour l’aider (et aider l’enseignante à souffler un peu). Il rencontre donc la TES à l’occasion pour l’aider à utiliser ses outils d’autorégulation. Il va aussi aider une enseignante de première année dans une activité qui a lieu quelques jours par semaine.

Options de classe adaptée

Dans une école proche de chez-nous, il existe une classe adaptée pour les élèves doués.

Depuis que j’en connais l’existence, je me dis que ce serait une magnifique opportunité pour lui. Mais d’un autre côté, j’ai peur qu’il vive mal la transition. Je m’inquiète aussi du fait qu’il n’apprendra pas à vivre avec les neurotypiques s’il se trouve à côtoyer uniquement des enfants HPI.

Je dois donc peser le pour et le contre avant de prendre cette décision officiellement.

Mon deuxième

Il vit avec la trisomie 21. Pour l’instant, ses difficultés sont globales. Il cote pour une déficience intellectuelle légère. Nous avons pris la décision de demander un certificat d’éligibilité pour lui. Comme il a toujours été inclus dans un milieu de garde bilingue, nous voulions qu’il poursuive le même genre de cheminement au primaire.

La commission scolaire anglophone qu’il fréquente n’a pas de classe adaptée. Ils investissent leur budget de façon à rendre l’inclusion possible pour tous.

Ce que je réalise, c’est qu’il apprend vraiment bien dans ce contexte. Comme il apprend beaucoup par imitation, il se trouve à accélérer le rythme pour faire comme les autres. Son vocabulaire s’est énormément enrichi depuis son entrée en maternelle. Il devient aussi de plus en plus autonome.

Bien sûr, il a des moments où il est moins coopératif. Il s’oppose aux transitions quand il aime les activités qu’il est en train de faire. C’est pour ça qu’une préposée l’accompagne au quotidien.

Certaines adaptations ont été prévue pour l’aider dans son cheminement. Il a donc un plan d’intervention, même s’il n’est qu’en maternelle.

Options de classe adaptée

L’idée de la classe adaptée m’a traversé l’esprit et ça reste parmi les « possibles ».

Je compte prendre le temps d’observer son parcours, son comportement, ses apprentissages. Le jours où je sentirai que les ressources ne sont pas là pour ses besoins à lui, que je verrai qu’il n’est pas heureux dans le contexte scolaire où il est sensé évoluer, alors j’envisagerai autre chose pour lui. Ça impliquerait le changer de commission scolaire, mais c’est possible. En attendant, il est très bien accueilli et aimé, il est bien accompagné dans son quotidien et c’est l’expérience d’inclusion que je conseille à tous.

Qu’est-ce qui arrive quand ça ne va pas?

J’ai souvent entendu :

  • « C’est le parent qui s’acharne. »
  • « Il refuse d’aller chercher un diagnostic ou prendre faire prendre la médication à son enfant. »
  • « Je ne suis pas formée pour travailler avec des enfants ayant ce genre de diagnostic. Je ne peux pas le faire. »

Dans les fameux commentaires que j’ai lus et qui m’ont fait mal, certains parents disaient :

  • « Y’a un Gilles La Tourette dans la classe de ma fille, il n’arrête pas de faire du bruit. C’est à cause de lui qu’elle est en échec, c’est clair. »
  • « Y’a un autiste qui n’arrête pas de se désorganiser. Pendant ce temps-là, la prof peut pas enseigner. C’est mon fils qui est pénalisé. »
  • « Y’avait un trisomique dans la classe de maternelle de ma fille, il ne parlait pas et il n’arrêtait pas de courir et déranger pendant les consignes, ma fille ne comprenait jamais rien à cause de lui. »

Et bien sûr, le verdict, c’était que ces enfants devaient être retirés de la classe régulière pour que les autres « puissent apprendre ». Plusieurs parents allaient même jusqu’à dire que TOUS les enfants avec un diagnostic « dérangeant » devraient être exclus.

Premièrement

Ce sont des cas dispersés. Tous les enfants avec un de ces diagnostics ne réagissent pas de la même façon dans le même contexte, parce que ce sont des humains eux aussi. Ils ont chacun leurs particularités et sensibilités, comme tous les enfants, même les neurotypiques.

Deuxièmement

Il y a tellement de choses qui pourraient être mises en place pour aider ces enfants avant d’arriver à la classe adaptée que je n’en ferai pas la liste ici, ce serait trop long. Mais à la base, les réactions décrites : tics pour un enfant vivant avec un SGT, désorganisation pour un enfant vivant avec un TSA ou manque de concentration chez un enfant vivant avec la trisomie 21, ce sont les symptômes d’un autre problème. Le stress, l’anxiété, la fatigue, la frustration de ne pas être compris, etc. Et si ces enfants vivent ça en classe, peut-être qu’un intervenant pourrait essayer de régler la cause avant de se mettre à penser à un changement de classe.

Si les ressources étaient investies au bon endroit? Et si l’enfant était réellement au centre des priorités? Alors, l’inclusion serait sûrement une meilleure expérience pour tous.

À mon avis, en commençant par écouter les besoins des enfants et s’assurer que l’enseignante soit accompagnée dans son quotidien d’inclusion comme je le vois dans la classe de mon 5 ans, les choses seraient sûrement plus faciles dans la plupart des écoles.

Pourquoi exclure avant même de connaître?

Troisièmement

Le parent de l’enfant « différent » s’est probablement battu pour que son enfant vive l’inclusion. Battu pour qu’il ait des services et des outils pour le soutenir.

Il met tout son amour pour aider son enfant à cheminer et développer son plein potentiel. Son but, n’est pas de nuire à qui que ce soit. Son but, c’est que son enfant chemine et soit heureux.

Un choix éclairé

Après avoir tout tenté pour permettre l’inclusion, si des comportements dangereux, violents, inquiétants, perdurent, sans améliorations. Si l’enfant est malheureux dans la classe régulière. Si le parent choisis de façon éclairée et sans contrainte une classe adaptée. Alors l’inclusion n’est probablement pas la meilleure option pour eux.

À trop vouloir faire rentrer les enfants des de petites cases, on risque de perdre l’essence de ce que l’école devrait être.

L’école a une mission d’une grande importance, soit celle d’instruire, de socialiser et de qualifier les élèves. Pour ce faire, elle doit amener l’élève à être en mesure d’entreprendre et de réussir un parcours scolaire, dans le respect d’égalité des chances. – Guide sur le parcours scolaire, OPHQ 2017

Alors pour moi, sans dire que l’inclusion devrait être systématique, elle devrait être rendue possible, pour tous. Elle devrait également être encouragée et subventionnée pour permettre que tous puissent en tirer des bénéfices indéniables. Pour apprendre à vivre ensemble et à accepter la différence, il faut la côtoyer.

Et vous? Qu’en pensez-vous?

Photo de couverture par Markus Spiske sur Unsplash

Karine,  Atypiquementparfaite.com

Collaboratrice pour Mamanbooh

Pour en savoir plus :

Même si votre enfant n’est pas handicapé, le Guide sur le parcours scolaire écrit par l’OPHQ est une ressource fantastique. Il explique clairement tout ce qui a trait au système scolaire, ses obligations et ses droits, le rôle des différentes organisations et comités en lien avec l’école, les intervenants scolaires. Les obligations et les droits des parents et des enfants ayant un parcours scolaire typique ou atypique. La Loi sur l’instruction publique y est bien expliquée. Bref, c’est un excellent outil à avoir entre les mains.

Il est disponible gratuitement en format PDF sur le site de l’OPHQ.

 

 

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