C’est en pensant à mes échanges avec ma jeune amie, Kayla, que l’idée de donner la parole aux adolescents est venue. Apprenez-en plus par ici.
Kayla Luis, ma jeune amie
Kayla est entrée dans ma vie doucement. Je l’ai croisée pour la première fois lors du Salon de la famille, à Saint-Eustache, alors qu’elle accompagnait sa maman qui y avait un kiosque*. Déjà, à ce moment, j’avais eu la réflexion dont mon amie avait de la chance d’être aidée par sa grande fille.
Des échanges enrichissants
Kayla a commencé à commenter sur mes différents réseaux, me partageant des trucs, des vidéos, des textes, m’encourageant, etc. Fin décembre, j’ai reçu un premier message sur Messenger. Depuis, on s’écrit assez régulièrement.
Un jour, j’ai réalisé qu’elle avait presque l’âge de ma fille, j’ai eu un vrai choc! J’ai des conversations avec Kyala que je ne pourrais avoir avec la mienne. C’est difficile pour moi d’avoir accès à ses réflexions. Quand j’y pense, je suis un peu triste. Ça fait mal dans mon cœur de maman, mais en même temps, je suis choyée d’avoir la chance de le réaliser et de pouvoir vivre autre chose.
Lisez « Où sont nos adolescents? Que vivent-ils? Comment mieux les comprendre? »
Extraits de nos premières conversations
J’ai aussi recueilli des extraits de nos conversations, avec sa permission, je vous les partage.
J. Kayla, tu as quel âge? Tu es en quelle année?
K. J’ai 14 ans, je m’en vais en secondaire 3.
J. Je pose beaucoup de questions?
K. Non, ça va, ça ne me dérange pas du tout.
J. Tu sembles bien sage, avec beaucoup de vécu, pour ton âge!’est spécial, tu as presque le même âge que ma fille, mais elle ne pourra jamais m’écrire.
K. J’ai été intimidée la plus grande partie de mon primaire. Donc, bien sûr, je n’avais pas d’amie. J’ai une dyslexie ce qui équivaut à avoir de mauvaises notes. Au travers tout ça, j’avais beaucoup de difficulté avec ma confiance en moi.
Je n’aime pas vraiment que les gens pensent que je suis faible, donc je ne l’ai jamais dit à personne. Mais, ce n’est pas grave si tu me l’as demandée. Ça fait du bien de le dire.
La dyslexie est un trouble du langage écrit. Elle fait partie des troubles d’apprentissage, comme la dysorthographie et la dyscalculie. Ces troubles ont en commun d’affecter la capacité à retenir, comprendre, récupérer ou communiquer de l’information. Ils nuisent à l’apprentissage scolaire. –Naître et Grandir
J. Je suis triste de te lire.
K. J’ai fait la paix avec ça, ça fait bien longtemps, ne t’inquiète pas pour moi
J. Je n’aurai jamais ce genre de conversation avec ma propre fille. Ça me touche.
K. Si je ne suis pas trop personnelle. Que voulais-tu dire par Camille ne pourra jamais t’écrire?
J. Pour Camille, bien que vous soyez du même âge, elle est encore de niveau académique du début du premier cycle du primaire. Elle ne sera probablement jamais capable d’écrire quelque chose d’aussi long et d’organisé.
K. Ta fille t’écrira avec ces mots à elle. Moi, j’ai choisi comment j’écris, toi tu as choisi comment tu écris. On écrit tous différemment. Elle aura ou a son écriture à elle.
Kayla m’envoie parfois des textes, dont celui-ci :
Mes croyances, par Kayla, 14 ans
Il y a des gens qui croient, que la vie est un examen. Moi je crois plutôt que c’est un devoir. Les devoirs, tu peux voir les erreurs que tu fais. Un examen, on te donne une note, c’est négatif ou positif. Rien d’autre.
Des fois on peut se poser la question: comment suis-je arrivée là? Ou bien: comment je suis arrivée à ce point-là?
Mais, il y a une question qu’il ne faut jamais se poser : « est-ce que je mérite cette étape-là? » Faites-moi confiance. Si la vie vous donne cette étape, c’est que vous êtes prêt à passer au travers. Peu importe si vous êtes une personne en difficulté, une personne sage, une personne aventureuse ou même une personne parfaite, dans un monde d’imparfait.
La vie vous fera toujours confiance. Croyez en vous. Ne laissez jamais personne vous piétiner sur la tête. C’est votre vie et non la leur. C’est vous qui décidez ce que vous en faites.
Mon enfance et ma famille
J’ai vécu quelques affaires. Pas grand-chose d’exceptionnel, mais j’ai frappé quelques murs. Mon enfance est plutôt différente des autres. Je n’ai pas beaucoup de souvenirs.
Je vis avec deux frères : un frère avec un TDAH et l’autre avec une hyperactivité. Croyez-moi, c’est très difficile parfois, mais ensemble, nous nous soutenons avec nos forces et faiblesses.
Les moments durs sont ceux qui nous rapprochent le plus. Car on découvre la personne qui se cache derrière le corps. On apprend à se connaître, avec nos petites cordes sensibles et nos points forts. Être sœur est le rôle le plus dur à jouer, mais c’est aussi un rôle tellement plaisant.
Plus tard, quand on sera tous dispersés à travers le monde. On aura toujours une place pour se retrouver : notre famille, nos souvenirs, nous.
Moi, mes défis
Très timide, j’ai toujours gardé tout en dedans. J’ai très peu confiance en moi. Il y a des matins où mon cadran me réveille, je fixe mon mur en me disant «qu’il faudra que je passe à travers une autre journée».
Ce moment est difficile, mais c’est à ce moment que je sens une force lever ma jambe et la dépose par terre. À cet instant, je sais que je vis pour une raison. Je ne sais pas laquelle encore. Mais ça viendra.
À l’école
À l’école, j’ai beaucoup de difficultés. J’arrive à l’école quelques minutes avant la cloche. Je prends souvent ce temps-là pour réfléchir à la question « comment puis-je ne pas me faire d’amis? »
Mais après, je me dis que je suis une sorte de personne qui n’a pas besoin de compagnie pour vivre sa vie. Je suis bien, rejetée à l’école, je n’ai pas besoin de deux options, pour faire ce que j’ai à faire.
Rejetée ou juste différente?
On entend souvent dire qu’être rejeté à l’école n’est pas bon pour la santé. Moi, je trouve que oui. Sauf si tu es une personne qui a besoin d’avoir de la compagnie pour avancer. Là, je suis d’accord.
Mais si tu es fait pour être en dehors du groupe, alors fais ce que tu as à faire. Nous sommes simplement assez forts émotionnellement pour survivre seuls à des épreuves normalement vécues en groupe.
C’est un très joli cadeau, que la vie nous a fait. Alors, arrêtez d’essayer de vous inclure et faites votre propre chemin.
Souvenirs et rêves d’enfants, par Kayla, 14 ans.
Souvenez-vous du temps que votre père venait vous embrasser en arrivant tard du travail? Ou bien votre premier tas de feuilles, avec vos parents?On dirait qu’avec le temps les sorties au parc, les sorties à la crémerie ou bien les soirées film, ont disparu.
Le temps nous mène à nos responsabilités, nos réflexions, notre futur.
Le temps nous fait réaliser le moment présent.
C’est dommage que cette réalité disparaisse avec la maturité. Mais ne vous trompez pas, ceci est la meilleure chose au monde.
Grandir nous permet de vivre notre destin chaque jour. Réaliser nos rêves pour ensuite les léguer à nos enfants.
J’ai le pressentiment que cela est l’une des choses les plus belles au monde.
Puis ensuite, avoir toutes ses responsabilités nous mènera à une famille, qui nous mènera à un futur, qui nous mènera à notre vie et à créer de nouveaux souvenirs avec nos futurs enfants. Et ainsi de suite.
Mais à la fin, ce qui compte ce sont ces souvenirs d’enfance, ses rêves d’enfants. Qui nous font «coucou parfois» sur notre chemin. C’est cela qui bâtit les premières pierres sur notre artère. Nos souvenirs et rêves d’enfants comme autant de repères.
Finalement, une petite question pour vous faire réfléchir: est-ce que vous vous souvenez de cette époque où vos souvenirs vous donnaient « vie »?
Hey! Je voulais juste te dire merci de dégainer. Un gros merci pour la conférence. Elle était merveilleuse et toi aussi, bien sûr. Je m’excuse pour le malaise que j’ai pu mettre. C’est mon mélange de gêne et d’anxiété. Merci encore! – 17 mars 2018, après ma conférence
Entrevue avec Kayla, pour mieux comprendre son texte
J. Est-ce que tu es nostalgique de cette époque, tout en comprenant que c’est le passage vers l’âge adulte? Que des fois, tu prendrais bien un p’tit bisou avant d’aller au lit comme avant?
K. Oui exactement. J’ai eu une enfance pas le fun à avoir. Alors écrire sur ce que j’avais de positif m’aide à voir mon futur tout simplement.
J. C’est précieux ce que tu viens de nommer?
K. Je ne sais pas si c’est précieux. Mais je sais qu’il me le faut pour survivre aux montagnes russes.
J. Et tes montagnes russes, elles ressemblent à quoi?
K. Mes montagnes sont des moments de fatigue émotionnelle ou bien juste de l’accumulation de moments difficiles.
J. Depuis quand tu as le réflexe de voir du positif pour t’aider (je fais pareil)?
K. Depuis que je me suis retrouvée après 2 ou 3 ans dans le noir, vivant mes pires relations entre amis et mère-fille aussi. Je me suis réellement retrouvée au début du secondaire.
J. Changer d’école, de milieu t’a fait du bien?
K. Oui parce que j’ai retrouvé une passion qui m’a été enlevée dans ma jeunesse. Et j’ai des amies qui me ressemblent, sans même faire des efforts pour. Tu comprends?
J. Oui, je comprends. Ta passion, c’est quoi?
K. L’équitation…
J. Tu peux m’en dire plus (je te pose beaucoup de questions, je sais)?
K. L’équitation n’est pas juste un sport. C’est un moment de réflexion avec ton cheval. Tu apprends à lire un être vivant. Avec les personnes dans l’écurie, nous formons une famille. Il a des personnes âgées de 20, 30 et 40 ans et nous sommes tous amis. Ce qu’on ne retrouve pas ailleurs. Nous avons une relation très spéciale entre nous et avec les chevaux.
Et tu vois. Tout ça me fait réfléchir et me donne du jus pour survivre à tout ce qui s’en vient.
J’ai vu que ta fille aime les chevaux. Si elle veut les voir en action, je suis en sport-études. Chaque après-midi, je vais à mon écurie. Quand elle aura une pédagogique, si elle veut, elle est la bienvenue de venir me voir monter. Je sais que c’est loin. Alors, si cela vous intéresse faites-moi signe. Ça me fera plaisir!
J. Si tu pouvais revivre un de ces beaux moments d’enfance, est-ce que tu en as un (ou plus) qui te vient en tête avec ton père, ta mère, ta grand-mère?
K. Non je ne revivrais pas ces moments. Car ils étaient beaux pour moi dans ce temps précis que je l’aie vécu. Avec les valeurs que j’avais à cette époque. Mais maintenant, ces moments seraient moins beaux, car mes valeurs ont changé et ces moments seraient beaucoup moins beaux.
Et ça continue!
À ma grande surprise, j’ai reçu un message de Kayla un soir qui me demandait si elle pouvait faire une présentation orale sur…moi! Vous pouvez la visionner Présentation orale de Julie Philippon, par Kayla Louis.
Quand je l’ai montré en temps que présentation. Avant de commencer, avec les photos. Les personnes pensais que j’allais parler de ma mère!
Bref, Kayla met du soleil dans mon quotidien, elle m’apporte une certaine fraicheur, je me sens choyée de l’avoir dans ma vie. Ses questions, ses observations, ses réflexion me font faire du chemin. Je suis très reconnaissante aussi envers sa maman, je sais qu’il y a un peu d’elle dans tout ça.
Rappelons-nous, le village, c’est nous! Et ce beau village, il est habité par des personnes de tous les âges, toutes aussi différences et uniques. Il devrait y avoir une place pour tous, un espace pour s’exprimer, se questionner, peu importe notre statut ou nos croyances. J’espère participer en offrant ma tribune aux plus jeunes.
Julie XX
* Kiosque de Pictom